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Patrick Mboma: La retraite au flambeau (15.06.2005)
Emmanuel Gustave Samnick
Le «magique» buteur camerounais raccroche ses godasses pour devenir agent de joueurs.
Dans l`avion qui conduit les Lions indomptables à Cotonou, le jeudi 2 juin dernier, l`ancien goléador de l`équipe, qui en est devenu le manager relationnel depuis sa nomination par le ministre des Sports le 10 janvier 2005, est sanglé dans un superbe costume gris. Deux jours plus tard, c`est dans un costume beige que Patrick Mboma Ndem a loti ses 85kg de muscles. C`est fini, on ne reverra plus cet attaquant de race à la patte gauche magique en chaussures à crampons et en culotte courte, du moins pour une compétition officielle. Et notre consoeur Anne-Marthe Mvoto, grande supportrice des Lions indomptables, qui a effectué le déplacement de Cotonou à l`occasion du match de la 7ème journée des éliminatoires Coupe du monde/Coupe d`Afrique des nations 2006, peut mieux apprécier la différence entre les deux Mboma: «Il donnait l`impression d`être très gros dans sa tenue de footballeur, là, en civil, il me paraît plus svelte». C`est vrai, sur les terrains de football, Pat était un monstre physique. Nous n`oublierons pas la remarque de ces journalistes ivoiriens qui, en pleine Can 2002 au Mali, nous chahutaient en disant que le Cameroun aligne des rugbymen dans une équipe de football, en pointant du doigt Mboma et feu Marc-Vivien Foé...
Cependant, si Patrick Mboma Ndem a marqué l`histoire du football camerounais et africain, ce n`est guère par ses performances physiques, mais bien par une technique léchée, un jeu tout en finesse et en réalisme grâce à un sens du but (de la tête, du gauche, du droit) peu commun. Attaquant de race, il est ce que Joseph-Antoine Bell, consultant de Rfi pendant la Can 2004, appelle «le buteur-type. Grosse frappe du pied gauche, pied droit un peu plus faible, excellent jeu de tête, il a un sens inné du but. Sa moins grande mobilité le rend prévisible, mais il compense par sa très grande expérience. Il est toujours là quand il le faut et où il le faut».
Le grand rêve
A l`heure où il raccroche définitivement ses crampons, c`est un footballeur ô combien comblé qui quitte les vestiaires. «J`ai rêvé de marquer un but un jour en coupe du monde, c`est arrivé. J`ai rêvé de porter les couleurs du Cameroun, j`ai eu la chance de le faire. Je ne rêvais pas de devenir champion olympique, ni meilleur joueur africain, mais je l`ai fait. C`est vraiment un conte de fée», dit-il, tout sourire. En termes d`exploits, signalons qu`il figure au quatrième rang des plus grands buteurs de la Coupe d`Afrique des nations, avec 11 réalisations au total, derrière l`Ivoirien Laurent Pokou (14 buts), la Nigérian Rachidi Yekini (13 buts) et l`Egyptien Hassan El Chazli (12 buts). Cet enfant né à Douala, et parti très tôt, à trois ans, en France, n`a jamais rêvé d`un autre métier que celui de footballeur. Le déclic est la Coupe du monde 1978 qu`il regarde à la télévision. «L`ambiance de la finale Argentine-Pays-Bas, les confettis dans les tribunes, tout cela m`a rendu un tout petit peu jaloux. Je n`avais que sept ans et demi, mais je me suis mis à rêver», se souvient le grand Pat, dont le rêve est devenu réalité. Attaquant dès le bas-âge, il voulait ressembler à Mario Kempes, héros de ce Mundial 78, mais aussi à Johan Cruyff (un de ses fils se prénomme Johan), à Roger Milla et à Van Basten. «Malheureusement, dit-il dans un accès d`humilité et d`humour, je n`ai ressemblé à aucun».
Finalement,
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Patrick Mboma, que l`on écoute avec le même plaisir qu`on éprouve à regarder l`immense footballeur qu`il a été, ne revendique que très peu de déceptions dans sa carrière. Et d`ailleurs, il introduit rapidement un bémol: «le football ne serait pas un beau sport si l`on gagnait tous les matches».
Et pourtant, le rêve de devenir international a failli ne jamais se réaliser. Pré-sélectionné dans l`équipe du Cameroun en route pour la Coupe du monde 94 aux Etats-Unis, il est recalé à la dernière minute à Paris, et grossit les rangs de joueurs frustrés par l`entraîneur français Henri Michel. Il précise cependant qu`il n`a jamais été question pour lui de porter le maillot de l`équipe de France: «Il n`y a jamais eu l`ombre d`une discussion à ce sujet dès le départ. Je n`ai pas eu de déchirement parce que je voulais jouer uniquement pour le Cameroun. Ce qui a failli se passer, c`est que je ne joue ni pour l`une ni pour l`autre des deux sélections, parce que le Cameroun, à un moment donné, avait un peu déçu mes attentes. Mais au final, j`ai compris que j`avais beaucoup de joie qui m`attendait avec les Lions indomptables». Et il ne s`est pas trompé!
L`artiste a bouclé sa dernière campagne avec la sélection lors de la Can 2004. Sa sélection est controversée parce que le coach Winfried Schäfer ne veut pas de lui. Mboma sera alors le deuxième joueur camerounais de l`histoire à susciter l`intervention du palais présidentiel pour une sélection. Heureusement, comme son glorieux aîné Roger Milla, il mettra tout le monde d`accord par ses prestations, claquant quatre buts en terre tunisienne.
Entraîneur
Un an à peine après son dernier match officiel avec les Lions (quart de finale de la Can 2004 Nigeria -Cameroun), le voilà promu au sein de l`encadrement technique de cette sélection, dans une fonction inhabituelle, celle de «médiateur». En le nommant le 10 janvier 2005, le ministre des Sports a certainement ramené la sérénité dans les rangs des Lions indomptables, perturbés alors autant par les mauvais résultats que par une ambiance lourde. Pat se plaît dans son nouveau rôle, même si, malgré plusieurs tentatives, il n`est pas encore parvenu à ramener son ancien coéquipier Etame Mayer en sélection. «Je donne un coup de main ponctuel. J`estime avoir l`expérience internationale nécessaire pour amener mes ex- coéquipiers à se retrouver dans la sérénité, à avoir à nouveau beaucoup d`envie, sans avoir besoin de revenir sur les problèmes récurrents de la sélection», explique celui qui dit clairement que son avenir n`est pas sur un banc de touche.
L`ancien international a même déjà trouvé sa reconversion: agent de joueurs Fifa. Dès cette inter-saison, il va se mettre au boulot en France. Depuis trois ans, il a, du reste, créé à Paris une société, International Sport Insurance (Isi), qui s`occupe de l`assurance et du placement des joueurs. Il songe aussi, bien sûr, à son jubilé. «J`ai envie de dire merci au public camerounais. J`organiserai, le moment venu, mon jubilé à Yaoundé. Mais rien n`est encore arrêté. Je dois d`abord poser mes valises pour prendre mes nouvelles fonctions, récupérer de mes longues années de labeur et de satisfactions comme footballeur». Le baisser de rideau de l`artiste devrait en effet se préparer minutieusement et donner lieu à un spectacle géant, digne du héros qui s`en va. Une dernière occasion officielle de voir l`artificier à l`oeuvre, ses crochets magiques, sa frappe de mule, la marque déposée Mboma.
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