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Georgette Nkoma : Une lionne en cage. (26.02.2004)
Lazare Kolyang
La triple médaillée d’or des jeux africains se consacre aujourd’hui à l’administration sportive.
Debout, dans un angle du stade Omnisports Ahmadou Ahidjo de Yaoundé, juste en face de ce qui est aujourd’hui considéré comme un tableau électronique, une jeune femme exulte de joie. Et au pas du " pedalé ", en direction du public, elle laisse lire grandement son émotion, après cette course que vient de remporter l’équipe relais du Cameroun. Celle qui tenait le témoin pour la dernière ligne droite de ces 4x100 dames, venait ainsi d’inscrire au marquoir, à elle seule, sa troisième médaille d’or de ces 10 ème championnats d’Afrique d’athlétisme. Auparavant, aucun athlète africain n’avait réussi pareil exploit. Nous sommes en juin 1996. Yaoundé, la capitale camerounaise accueille pour la première fois les athlètes venus de presque tous les pays d’Afrique. Et pourtant, celle qui allait devenir la première athlète africaine à remporter trois médailles d’or au cours d’un même tournoi était la plus pessimiste quand à la tenue de la compétition au pays des Lions indomptables. " Quand le président de la fédération camerounaise d’athlétisme de l’époque, le colonel Kalkaba Malboum, m’a fait part de la volonté du Cameroun d’accueillir ces championnats, en tant que chargé de mission à la fédération et capitaine de l’équipe nationale, j’étais la première à m’opposer. Car je ne voyais pas de chance de médaille pour le Cameroun. Et le président m’a alors dit : si on n’a pas de médaille, au moins on aura l’argent ", se rappelle t-elle.
Surprise donc ! Contre toute attente, Georgette Nkoma aurait plus de médaille qu’elle n’espérait pour tout le pays, remportant devant les " sprinteuses " nigérianes, ivoiriennes, sénégalaises et sud africaines les 100, 200 et 4x100 mètres. Elle monte ainsi trois fois au podium, et redescend avec à chaque fois avec autour du cou le précieux métal. Des beaux bijoux qui meublent aujourd’hui, aux cotés de dizaines d’autres médailles et de trophées remportés, le salon du tout nouvel appartement de l’ancienne championne sis à Bonangang à Douala. Où elle partage aux cotés de son époux, l’artiste musicien et producteur Sosthène Parrol, et de ses quatre enfants, sa nouvelle vie, après les pistes. A Yaoundé, en 1996, l’athlète est au firmament de sa gloire, mais quelques mois plus tard de la même année, Georgette connaît, à Atlanta aux Etats-Unis au cours des Jeux olympiques, son plus mauvais souvenir. " C’est l’année où j’étais en grande forme mais j’ai été éliminée au premier tour des 100 mètres. Bien plus, notre équipe de relais des 4x100 mètres sur laquelle on fondait aussi beaucoup d’espoir n’a pas fait les résultats attendus, le témoin étant tombé au premier tour ", raconte t-elle. Au lendemain de cette déception, elle pensait déjà, à 31 ans, à quitter la scène, après avoir remporté beaucoup de succès tant sur le plan national qu’international.
Conquête
Si Yaoundé consacre Georgette, c’est à Nkongsamba dans le Moungo, en 1987, au cours d’un meeting provincial, qu’il faut aller chercher les prémices de sa prestigieuse carrière. Suivra alors une série de victoires et de records enregistrés. Plusieurs fois championne du Cameroun du 100, 200, 400, 800 (médaille d’or aux jeux universitaires de 1989 à Bafoussam), 4x100 et 4x400 mètres, elle fait ensuite main basse sur l’Afrique centrale où elle est trois fois triple championne aux 100, 200 et 400 mètres. Avant ses trois médailles en or remportées en 1996, elle n’avait pas encore goûté aux délices du précieux métal sur le plan africain. Le champ de sa conquête s’élargit avec sa médaillée d’or des 4x100 m aux jeux de la francophonie à Madagascar en 1997. Vice championne de France en 1996 sur 200 mètres, l’athlète camerounaise a aussi participé à plusieurs championnats du monde, dont ceux de Stuttgart en Allemagne en 1993, de Goteborg en Suède en 1995 et d’Athènes en Grèce 1997. Des rendez-vous mondiaux sans grande récolte, toutefois. Les jeux olympiques de Barcelone en Espagne 1992, de Atlanta aux Etats-Unis en 1996 et de Sydney en Australie ( comme entraîneur national) ne seront pas non plus fructueux en médailles pour la camarade de classe, au
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lycée de New Bell, de l’ancien gardien des buts des Lions indomptables Jacques Songo.
C’est dans ce lycée de la capitale économique que la future championne débute ses études secondaires. Elle y séjournera durant tout le cycle secondaire, jusqu’à l’obtention de son baccalauréat série A4 espagnol. Avant de rentrer quelques années plus tard à l’Institut national de la Jeunesse et des Sports (Injs) au cycle des professeurs d’Eps. C’est aussi ici, au lycée de New Bell, alors qu’elle est encore sur les bancs de cette grande école spécialisée dans la formation des cadres de la Jeunesse et des sports, qu’elle fera son stage académique. Au lycée Mongo Joseph de Douala, son premier poste d’affectation, où elle est restée pratiquement depuis sa sortie d’école, elle compte dans ses effectifs un certain Eto’o Fils, celui là qui deviendra plus tard un autre grand nom de la scène sportive nationale et internationale. Aujourd’hui en service à l’université de Douala, elle se sent gênée par le traitement réservé à cette catégorie d’éducateurs. " Dans les établissements scolaires, on les traite comme des sous cadres", se plaint –elle. Et le contenu de son mémoire soutenu en 1992 à l’Injs sous le thème : " Perception de l’image de l’enseignant d’Eps au Cameroun ", est alors étroitement lié à cette volonté de redonner à l’enseignant d’Eps la place qui lui revient.
Enseignante d’Eps, athlète, membre de la fédération camerounaise d’athlétisme depuis de nombreuses années, elle supporte très mal la léthargie dans laquelle était plongée la ligue provinciale du Littoral.
Poussée par des collègues, soutenue par une grande partie des membres de la ligue, Georgette Nkoma décide de prendre en mains les rênes de l’athlétisme dans le Littoral. Elle est élue présidente de la ligue provinciale le 06 septembre 2003. Au lieu de se morfondre dans le travail essentiellement d’animation pour lequel elle est commise actuellement à l’université de Douala, elle se bat pour que ce sport renaisse dans le littoral. Sa tentative de créer une école d’encadrement de jeunes a cependant fait long feu. Genstar Sport, qui était ouvert aux jeunes de 8 à 12 ans, n’a pas survécu aux difficultés financières et à de nombreuses intrigues. " Il fallait satisfaire le minimum des besoins de ces enfants qui venaient pour la plupart des milieux défavorisés. Ainsi, il fallait les acheter des chaussures, leur fournir de l’eau aux entraînements, et parfois leur procurer de l’argent de taxi et la nourriture. Par ailleurs, certaines personnes voyaient en cette initiative une juteuse affaire qui allait me rapporter beaucoup de sous en se morfondant dans des insinuations malveillantes ", relate t-elle. Toutes choses qui ont précipité la fermeture de cette école et renforcé la déception de Georgette Nkoma à l’égard de son pays.
Déception
"Si je prends l’exemple de ce qui se passe ailleurs, je peux dire que le Cameroun n’a jamais reconnu mes talents. Et c’est ça le problème de l’athlétisme en général au Cameroun. Quand l’équipe nationale de football, fut elle des juniors, remporte une compétition internationale, on la reçoit au plus haut niveau, alors que l’athlétisme qui a déjà produit par deux fois une vice championne du monde en la personne Françoise Mbango ne fait pas l’objet de la même attention. Quand à moi je n’ai eu que des récompenses sur du papier", se plaint elle. " Aux jeux de la francophonie à Madagascar par exemple, on nous avait promis beaucoup de choses, mais c’est à peine si on a eu nos primes de participation ", poursuit elle. A défaut d’attendre une éventuelle reconnaissance du pays, Georgette Nkoma a vite compris que dans la vie, il faut " forcer son destin ". Avec son nouveau look de cheveux teintés en couleur jaune, elle n’a jamais abandonné l’idée de monter une grande école où l’on pourra pratiquer prioritairement le sport tout à coté des matières ordinaires. Face à l’hypocrisie, elle dit répondre par des gestes d’humilité. Son amour pour les films d’espionnage demeure une énigme qui entoure certains feuilletons de sa vie dont elle ne veut nullement feuilleter . Mais sa passion pour la musique douce est tout à l’opposé de la sensibilité musicale distillée par son époux.
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