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Agents sportifs: les "saigneurs" de l`Afrique (25.04.2006)
PARIS (AFP) - Chaque année, des milliers de jeunes footballeurs africains quittent leur pays à l`aveuglette, crédules et désespérés, poussés vers l`Europe par des agents sans morale qui leur promettent une carrière aussi fulgurante que lucrative, avant de les abandonner à l`état de clandestins.
La Fédération internationale de football (Fifa) et les fédérations nationales tentent d`encadrer la profession d`agent de joueurs, mais le chantier est immense. Près de 2.800 personnes ou sociétés dans le monde détiennent une licence fédérale obtenue après un examen, mais des milliers d`autres sévissent sans contrôle avec la complicité des clubs.
"N`importe qui peut être agent: un parent, des avocats véreux, des entraîneurs sans scrupules", détaille Claude Leroy, entraîneur français de l`équipe nationale de la République démocratique du Congo (RDC), en guerre contre ceux qu`il nomme les "marchands d`esclaves", les "négriers". Et la chaîne de transmission entre joueurs et clubs est tellement longue que toutes les dérives sont permises.
Dans les tournois internationaux de jeunes se presse au printemps l`éventail de la confrérie des agents, mais surtout des recruteurs, salariés par des clubs nantis pour ratisser les terrains étrangers.
Tom, envoyé spécial permanent en France des Tottenham Hotspurs (1re div. anglaise), noircit un petit cahier de signes ésotériques depuis les tribunes du tournoi de Montaigu (Vendée).
Les gamins de la Côte d`Ivoire ont beau être menés par l`Italie, il ne s`intéresse qu`à eux: "Les Italiens sont trop chers, même à 15 ans. Il faut qu`ils soient vraiment supérieurs aux Anglais pour valoir le coup. Les Africains en revanche, plus on les prend jeunes, moins ils sont chers."
Ce jour-là, les N.8 et 18 ivoiriens lui tapent dans l`oeil. "Si un gamin me plaît, j`appelle le correspondant de Tottenham en Afrique et il envoie au club formateur un de ses relais locaux qui opère la transaction."
C`est souvent là que la chaîne déraille. Le local, pour arracher le marché, promet plus qu`il ne peut tenir: un bout d`essai,
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unsalaire, une carrière à la Drogba. Parfois, il fait prendre d`un coup un ou deux ans à un gosse à l`état civil nébuleux.
Ils sont rares les clubs déçus à payer un billet retour, à s`occuper d`un blessé gênant, et moins nombreux encore les adolescents en échec qui acceptent de rentrer bredouilles et honteux au pays. La plupart préfèrent vivre sans papiers, espérant encore se faire remarquer dans un pays qui ne veut pas d`eux.
A 15 ans, Arsène Adom, meilleur N.10 ivoirien de sa classe d`âge, s`est déjà frotté à des dizaines d`agents. "Quand tu es bon, ils proposent de te payer le voyage, mais d`autres te demandent de l`argent pour les billets, les visas, parfois jusqu`à 1 million de francs CFA (environ 1.500 euros)", raconte-t-il.
L`an dernier, le tournoi de Montaigu a vécu un drame avec la fuite nocturne de plusieurs Camerounais, séduits par un agent au bras soi-disant long. L`un d`eux n`est jamais revenu. On a retrouvé sa trace en Croatie, étape d`une longue errance, avant de la perdre à nouveau.
Au passage, l`intermédiaire a dû passer plusieurs fois à la caisse auprès d`obscurs clubs amateurs - les seuls à pouvoir utiliser sans trop de risques des joueurs en situation irrégulière -, opportunément en panne d`un milieu de terrain ou d`un attaquant pour quelques semaines.
Les dérives du métier nuisent à ceux qui tentent de le pratiquer avec honnêteté. D`origine congolaise, licencié en France, André Ntoma n`a pas de stars dans son écurie, mais pas de clandestin sur la conscience.
"La première question que je pose est celle de la situation administrative. Si elle est floue, je ne donne pas suite", dit l`agent, qui préfère parier sur le long terme avec des jeunes des centres de formation, quitte à miser à fonds perdus.
Ntoma refuse pourtant d`accabler ceux qui, par exemple, font le siège des hôtels durant les compétitions ou harcèlent les joueurs après les matches: "Ils ont raison de tenter de les faire signer. C`est la loi du milieu, de la concurrence. Mais ce qui est intolérable, c`est de vendre, très cher, de l`illusion."
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