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Série noire: Encore des morts subites au stade (07.01.2005)
Bertille M. Bikoun et Priscille G. Moadougou
Il ne se passe plus un mois sans qu`un sportif ne décède de "mort naturelle", en compétition ou à l`entraînement.
Alem Techale, 18 ans, est décédée lundi dernier d`une crise cardiaque survenue alors qu`elle s`entraînait près d`Addis Abeba l`Ethiopien Kenenisa Bekele, champion olympique du 10.000 m à Athènes, a annoncé la Fédération internationale d`athlétisme (Iaaf) sur son site internet mardi dernier. L`Ethiopienne Alem Techale était la championne du monde juniors (en 2003) du 1 500 m. Bekele et sa fiancée s`entraînaient dans les collines boisées d`Ararat, rapporte une dépêche de l`Afp, quand Techale s`est effondrée. Bekele l`a alors transportée jusqu`à sa voiture, mais elle est décédée sur la route de l`hôpital.
Ce drame survient deux semaines après celui du 19 décembre 2004 au Kenya, en lever de rideau du championnat du monde de boxe féminin, remporté pour la première fois par une africaine. Mohammed Abasule, boxeur amateur ougandais était face au Kenyan Antony Napunyi, au "Nyayo National Stadium" de Nairobi (Kenya). C`est au troisième round que le combat va être interrompu. Quelque temps après que le boxeur ougandais ait reçu un violent coup de son adversaire. Mohammed Abasule s`évanouira à la suite d`un autre coup de poing. Il mourra une heure après avoir été transporté d`urgence dans l`hôpital le plus proche.
Morts naturelles ?
Depuis le décès de Marc Vivien Foé, survenu le 26 juin 2003 au stade Gerland de Lyon, il ne se passe plus un mois sans qu`un média ne relaie la mort subite d`un sportif, toute discipline confondue, survenue lors de l`entraînement ou au cours d`une compétition. Coïncidence ? "Mort naturelle" par arrêt cardiaque, concluent généralement les autopsies. Celle effectué sur l`international hongrois de Benfica Lisbonne, Miklos Feher, décédé le 25 janvier 2004 sur la pelouse du Vitoria Guimaraes, révélera plus tard que "[sa] mort est certainement due à une arythmie cardiaque, probablement à la suite de cardiomyopathie hypertrophique, qui aura entraîné ensuite une mort naturelle". Bref, il souffrait d`une malformation congénitale du coeur. D`après l`autopsie pratiquée sur Raimond Jumikis, l`international letton de basket-ball souffrait d`une malformation cardiaque. Le joueur âgé de 23 ans s`était écroulé sur le parquet de l`Akropol Stockholm lors d`un match de ligue 1 suédoise. L`autopsie réalisée sur Marc-Vivien Foé a conclu à “une hypertrophie cardiaque, probablement congénitale” due à une cardiomyopathie hypertrophique (Cmh) : un coeur trop musclé.
Cette affection congénitale, expliquent les cardiologues, touche environ une personne sur 500 et se caractérise par un épaississement des parois ventriculaires. Dans un article paru dans Le Monde du 2 mars 2004, Pierre Legalery, cardiologue au Chu de Besançon, déclare que la Cmh est "la première cause de mortalité chez les sportifs qui pratiquent plus de 10 heures d`entraînement par semaine". Ce médecin affirme que ce mal serait responsable de la moitié des décès d`origine cardio-vasculaires liés à la pratique du sport, estimés à environ 1 500 par an en France. Alain Cohen-Solal, chef du service cardiologie et maladies vasculaires de l`hôpital Beaujon, à Paris, précise dans l`article sus-cité, que "L`arrêt cardiaque survient quand
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la transition est brutale entre la phase d`effort - où la décharge d`énergie est maximale - et de récupération", et intervient, selon ce praticien, davantage dans "les sports où l`effort est intermittent comme le football, le basket-ball ou le tennis".
C`est pourquoi "Chez les personnes atteintes de Cmh, le sport de compétition est proscrit et, en dehors de ce cadre, une activité sportive intensive est déconseillée", concluent les professeurs Philippe Charron et Michel Komajda dans l`Encyclopédie médico-chirurgicale. Dès lors, peut-on penser que les récentes morts subites sont le résultat de négligences médicales ? La question est d`autant plus pertinente qu`à la suite du décès du cycliste français Fabrice Salanson, coureur de l`équipe Brioches-La Boulangère, mort à 23 ans d`un arrêt cardiaque dans son sommeil, le 3 juin 2003, à la veille du départ du Tour d`Allemagne, le parquet de La Roche-sur-Yon (Vendée) a ouvert une information judiciaire contre X... pour "homicide involontaire et mise en danger d`autrui" (Le Monde du 23 janvier 2004).
Négligences ou dopages
Un mois avant sa disparition, un bilan de santé avait fait apparaître un "électrocardiogramme anormal", mais n`avait pas entraîné de contre-indication à la pratique du sport intensif. "A partir des résultats de ce bilan, auraient dû être pratiqués des examens complémentaires, telle une échographie du coeur, afin de détecter une éventuelle pathologie, (...) or, rien n`a été fait", regrette Didier Domat, l`avocat de la famille Salanson. Car, si un électrocardiogramme ne permet généralement pas de diagnostiquer une pathologie telle que la cardiomyopathie hypertrophique, elle n`échappe pas à l`échocardiographie. Dans la plupart des équipes européennes, au cours de la période de recrutement, les responsables font passer aux footballeurs un bilan cardio vasculaires complets parce qu`il y a de plus en plus d`accidents. Toutefois, ce recours est encore loin d`être institutionnalisé selon les sports et le niveau de pratique. Au Cameroun, le professeur Pierre Ndobo (Cf encadré) affirme que "Les organisateurs des compétitions sportives, les responsables des fédérations ne nous sollicitent malheureusement pas. Si oui, sur le tas.
C`est lors des sélections ou tout au plus de la préparation qu`il faut faire ces explorations". Cependant, si l`extension des échocardiographies peut permettre de détecter des pathologies cardiaques, la Cmh n`explique peut-être pas tout.
En effet, de plus en plus, les spécialistes du dopage s`insurgent contre "les explications données à la multiplication des morts subites". La plupart d`entre eux s`accordent à dire, comme Jean-Paul Escande, le président de l`ancêtre du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, que "Ces morts sont les conséquences médicales du dopage qui transforme l`organisme de façon considérable". Selon les spécialistes du dopage, l`administration d`hormones de croissance ou d`anabolisants peut entraîner, à moyen ou à long terme, des troubles pathologiques de l`appareil cardio-vasculaire. Les examens pratiqués sur les corps des sportifs morts jusqu`ici n`ont cependant pas révélé la présence de substances dopantes. "Si les produits sont pris pendant l`entraînement, l`autopsie ne permet pas forcément de les retrouver", objecte Jean-Paul Escande.
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