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Le triangle magique de l’Inter Milan (28.04.2010)
Fred Hirzel
Vainqueurs 3-1 de la demi-finale aller sur leur pelouse de San Siro, les Nerazzurri ont les moyens d’éliminer Barcelone, tenant du trophée. Surtout si le brelan d’as Milito-Sneijder-Eto’o répète ce soir au Camp Nou sa performance de la semaine passée
Josep Guardiola, l’entraîneur du Barça, reste, tout à coup, peu disert: «Pour éliminer l’Inter Milan [vainqueur 3-1 à l’aller en Lombardie], nous devrons être nous-mêmes.» Traduction approximative, puisque le Catalan ne daigne pas en lâcher davantage: contrôler le match, récupérer un maximum de ballons le plus vite possible, créer une montagne d’occasions de buts, puis miser sur l’efficacité teintée de génie de Lionel Messi, meilleur joueur du monde et reconnu comme tel (Ballon d’or 2009).
C’est précisément là que la machine risque de se gripper. Non que quiconque doute du talent exceptionnel du gaucher argentin, mais parce que, de l’avis des observateurs qui ont suivi l’acte I de cette demi-finale à San Siro, le lutin blaugrana fut translucide. La «faute» au rusé entraîneur portugais de l’Inter, «the special one» José Mourinho, lequel avait imaginé un système culotté qui, tout en faisant la part belle à l’occupation défensive du terrain, coupa la liaison dangereuse entre le régisseur Xavi et la fusée Messi. Cela grâce aux infatigables Javier Zanetti et Esteban Cambiasso, promptement rejoints par le stopper brésilien Lucio, tout heureux de mettre sous l’éteignoir un certain Zlatan Ibrahimovic, ex-pensionnaire intériste parti au Camp Nou.
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Ibrahimovic… Le footballeur le mieux salarié de la planète – un million d’euros net par mois –, libéré à l’été 2009 par l’Inter moyennant 68 millions d’euros en épilogue d’une sitcom rocambolesque et sorti juste après l’heure de jeu au match aller, en signe d’impuissance crasse. Comme souvent en ce qui le concerne, d’ailleurs, lors des grands rendez-vous.
Personne ne nous empêchera d’imaginer qu’à cet instant précis, le président nerazzurro Massimo Moratti, son directeur technique Marco Branca (coresponsable du recrutement), sans parler de «Mou» lui-même, ont esquissé un petit sourire narquois. Car, qu’ont-ils obtenu en retour de ce transfert faramineux, au total supérieur à celui du Brésilien Kaká, Ballon d’or 2007, de l’AC Milan au Real Madrid (65 millions d’euros)? D’abord, l’attaquant camerounais Samuel Eto’o (Ballon d’or africain 2010…) en échange, valeur estimée à 20 millions d’euros, 14 buts cette saison, Serie A et Ligue des champions confondues. Ensuite, l’acquisition d’un autre avant prolifique, argentin celui-ci: Diego Milito, 22 millions d’euros versés à l’AC Genoa, 25 goals jusqu’ici. Enfin, l’achat pour une «bouchée de pain», 15 millions d’euros, du meneur de jeu néerlandais Wesley Sneijder – 8 buts plus combien de passes décisives? –, bradé par le Real Madrid de
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Florentino Pérez, au motif que le nouveau boss castillan ne voulait plus entendre parler d’armada batave dans son club (le Bayern Munich a profité de la même attitude simpliste en s’octroyant les services du remarquable Arjen Robben).
Milito-Sneijder-Eto’o, voici le triangle magique de l’Inter actuel, triangle des Bermudes pour ses adversaires, et qui pourrait mener les Nerazzurri à une nouvelle conquête de l’Europe, près d’un demi-siècle après les deux seules comptabilisées par l’équipe des «aristos» milanais (1964 et 1965). Si, bien sûr, elle élimine le tenant du trophée ce soir au Camp Nou. Ce dont elle paraît capable, sous la double condition que José Mourinho ne recroqueville pas ses troupes en défense et que son brelan d’as fournisse une prestation comparable à celle de la semaine passée.
Ce qui, dans le détail, donne ça. Diego Milito: un goal (son quatrième en Ligue des champions) et deux assists à Sneijder et Maicon sur les deux autres buts, le tout en assurant de surcroît un intense labeur de couverture. Epoustouflant. Wesley Sneijder: celui qui évoluait en position de «neuf et demi» – le «rifinitore», en italien – a non seulement égalisé à la suite de la réussite de l’Espagnol Pedro, mais il a aussi inspiré l’immense majorité des offensives milanaises. Touché à la cuisse gauche samedi en championnat, Sneijder s’est entraîné normalement hier. Samuel Eto’o: prototype de l’attaquant de pointe qui songe au bien de l’équipe plutôt qu’à ses statistiques personnelles, la star camerounaise s’est sacrifiée en s’acquittant sans discontinuer d’un travail ingrat mais ô combien payant sur le plan défensif, participant activement à l’entreprise de démolition de son ancienne citadelle catalane.
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Compte tenu de la solidité des lignes arrières de l’Inter, si ces trois-là parviennent à provoquer un ou des dégâts au Camp Nou, le chemin de la finale de Madrid, le 22 mai, se muera en autoroute. D’autant que, ces temps derniers, le Barça donne quelques signes de lassitude physique, dans les duels et sur la distance. Le magazine France Football écrit: «A San Siro, les protégés de Guardiola n’ont pas su solutionner le manque de mouvement de l’ensemble et la non-création d’espaces. Le porteur du ballon s’est toujours retrouvé privé d’appuis, d’où le danger limité – inexistant s’agissant d’Ibrahimovic – représenté par Messi et Xavi.»
Soixante-huit pour cent de possession de balle pour une défaite 3-1: ces chiffres du FC Barcelone à Milan laissent pensif. Et ouvrent de sacrées perspectives au coach le plus malin du Vieux Continent sur le plan tactique.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/0fa24520-523d-11df-8f37-a0c6180d01a5/Le_triangle_magique_de_lInter_Milan
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