|
Samuel Eto’o : Cœur de papa, âme de fils (02.06.2006)
Ses qualités d’Homme se bonifient simultanément avec son immense talent de footballeur.
Junior Binyam
"Eto’o, c’est vraiment un grand. Quand il parle, tu sens qu’il est mature. On a du mal à croire qu’il n’a que 25 ans." Daniel S. est loin d’être un féru de football. Dans la mouvance actuelle, il tranche résolument. Il ne s’enthousiasme pas les samedis ou dimanches quand le Pichichi de la Liga descend dans l’arène. Ce ne sont donc pas les exploits sportifs de Samuel Eto’o Fils -qu’il ne regarde que très rarement- qui l’ont amené à poser ce jugement mercredi 31 mai dernier.
C’est que, Daniel S., qui est une tête bien pleine et bien faite, a été séduit par la prestance du garçon de New-Bell, quartier parmi les plus mal famés de Douala, dont l’aventure scolaire a à peine effleuré les limites du 1er cycle du secondaire au lycée Mongo Joseph à Douala. Le langage fluide, la grammaire correcte, " Fils", comme le désignent encore affectueusement ses amis d’enfance et de galère qui gravitent autour de lui, n’a pas pour autant versé dans la langue de bois. Car, comme il l’a rappelé : "je ne sais pas faire la politique et je n’ai pas envie de faire la politique. Je joue au football et je m’en tiens à çà, en espérant peut-être que je serai un jour ballon d’or où que j’atteindrai au moins le niveau de celui qui est le meilleur joueur au monde pour moi, Roger Milla".
Face à la presse mardi dernier, et pendant plus d’une heure et demi, le propos mesuré, le ton posé, détendant parfois l’atmosphère avec ce coté gouailleur qu’on acquiert dans les vannes à répétition des quartiers difficiles, Samuel Eto’o n’a éludé aucune question. Bien que l’échange ait été initialement circonscrit à sa fondation. Son intérêt pour la relance du football camerounais n’a pas paru feint. Il s’est engagé à œuvrer auprès du ministre des Sports et du président de la Fécafoot pour une concertation, "en famille", entre les journalistes, quelques-uns de ses aînés (Patrick Mboma et Milla) et lui, pour que chacun propose des solutions pour la relance du football camerounais. "Je sais qu’il y a beaucoup d’argent dans le football et j’ai ma petite idée sur comment faire pour qu’on en gagne aussi ici au pays en jouant ou en travaillant pour le foot", a lancé le triple ballon d’or africain aux journalistes.
Pour Eto’o Fils, désormais père de deux enfants, le mot famille est lourd de sens. Ce n’est pas le fait du hasard si dans le dernier carré de ses proches, son père, sa mère et David, son cadet, ne sont jamais loin.
"Faro-Faro"
Le don de deux ambulances
|
équipées de blocs opératoires et la pose de la première pierre de son centre de formation à Kribi, une ville qu’il veut promouvoir pour accroître ses recettes touristiques, ont confirmé cette prodigalité qu’on lui prête et qu’il a décidé de canaliser à travers la Fondation Samuel Eto’o Fils, pour des actions d’intérêt général. "Je suis un habitué de l’axe lourd Yaoundé – Douala et beaucoup de personnes y meurent. Je pense qu’avec ces ambulances, on pourra sauver quelques-unes", a t-il expliqué aux journalistes désormais sur la même longueur d’onde que lui et à qui il donnait du "mon frère", "frangin" ou "mama".
Ce grand cœur est loin d’être synonyme de naïveté. Il a mis en garde tous les encadreurs qui devront s’investir dans le recrutement des 300 pensionnaires du centre. "Si j’apprends qu’un enfant a payé pour être recruté, je vais l’exclure, mais en plus celui qui a pris cet argent sera licencié et j’utiliserai mes relations pour qu’il soit puni sévèrement", a-t-il martelé.
Le lancement de la Fondation ne décrète pas pour autant la mort de ses "mains levées" qui, au-delà de l’affection que lui porte désormais tout un peuple, justifie également ces grappes humaines observées partout où il passe. Certains ont fait le siège du Yaounde Hilton Hotel toute la journée de mardi et toute la nuit. Jusqu’aux premières heures de la matinée de mercredi, ils étaient un certain nombre aux portes du Katios night-club, une boîte de nuit dont il est le co-propriétaire avec son coéquipier chez les Lions indomptables, Gérémi Njitap, à guetter la sortie du "Pichichi" pour un "farotage", comme lui seul en a désormais le secret. Pas qu’il soit devenu l’homme le plus riche du Cameroun mais parce qu’il a du cœur. En majuscules. Illustration: "Pat (Ndlr : Patrick Mboma) est témoin. Je ne dors pas parce que je cherche l’argent pour pouvoir aider les gens. Parce que si ça ne tient qu’à moi, si j’arrête de jouer au football aujourd’hui, je ne vais pas mourir de faim".
Ce n’est pas le fait du hasard si cette mère d’un bébé séropositif, qui végète depuis des mois dans l’indifférence à l’hôpital central de Yaoundé, a bravé le protocole et jeté sur une de ses mécaniques rutilantes que la star de Barcelone affectionne tant, son fils pour lui donner un chance de bénéficier de soins adéquats. Sans gêne, Samuel Eto’o Fils, qui a connu la maladie, la faim et une précarité indicible, a ordonné que l’enfant soit récupéré. Peut-être pour lui garantir cet avenir, ce rêve, que les six jeunes camerounais à qui il a permis d’intégrer le Fc Barcelone voient désormais poindre à l’horizon.
|
|
|
|
|
|