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Infrastructure : Le stade Ahmadou Ahidjo est-il encore viable ? (21.11.2005)
Entre liesse et désillusion, le stade Ahmadou Ahidjo a entretenu,
en 33 ans, le sentiment d’appartenance au même pays.
Le 19 octobre, dans la salle des conférences du ministère des Sports et de l’Education physique, une délégation d’experts japonais procède à un échange de documents avec le secrétaire général de ce ministère. Cet acte protocolaire intervient après trois jours de travail au cours desquels, la délégation japonaise a visité coins et recoins du stade Ahmadou Ahidjo, appareils photos en main.
Ces Japonais seront de retour le mois prochain pour rendre les conclusions de leurs observations et répondre à la requête du gouvernement camerounais qui a sollicité un financement de 1,5 milliard de francs Cfa pour la réhabilitation de ce stade. Une réhabilitation qui devra porter sur 17 points parmi lesquels la pose de pelouse, l’installation des projecteurs, travaux d’étanchéité, la fixation de nouveaux garde-fous, la réfection des équipements de radiodiffusion et la mise à disposition du tableau électronique.
Fermé depuis 11 mois, le stade de Yaoundé, si ces travaux sont engagés, ne rouvrira ses portes qu’en octobre 2007. En attendant ce énième replâtrage, Mutations s’est introduit dans la cuvette de Mfandena, un des musées de la mémoire collective, pour l’ausculter sous toutes ses coutures, comprendre son fonctionnement à l’heure où l’unanimité se fait sur l’impératif de doter le pays des Lions indomptables de nouveaux stades.
Y’a t-il un mauvais sort qui suit les Lions indomptables au stade omnisports Ahmadou Ahidjo ? Sans pré-requis métaphysiques, il est bien difficile de répondre à cette interrogation qui a ressurgi avec l’élimination des Lions de la coupe du monde 2006 le 8 octobre dernier, dans ce stade. Une assertion éculée veut d’ailleurs que les ancêtres des autochtones du site sur lequel est bâti le stade, les Emombo en l’occurrence, soient fâchés. Une colère qui découlerait de ce qu’ils ont été expropriés sans être dédommagés, et qui justifie les contre-performances des Lions indomptables dans ce stade lors de certaines rencontres capitales. La visite rendue aux autochtones par le ministre des Sports et de l’Education physique, Philippe Mbarga Mboa, lui-même originaire de Yaoundé, comme Martin Aristide Okouda, son collègue des Travaux publics qui l’accompagnait, dans l’après-midi du jeudi 6 octobre, perpétue cette thèse. "Cinq bœufs, cinq sacs de riz, cinq sacs de sel, neuf régimes de plantain, vingt palettes de vin rouge et une forte somme d’argent ont été remis à dix familles Emombo. Mais il se passe qu’après le départ du ministre et sa suite, Papa Denis, le représentant des Emombo et les autres n’ont pas pu s’entendre sur le partage de ce butin. Les lésés ont donc promis de mettre la machine "mystique" en marche pour l’élimination des Lions." Voilà ce que rapportait, au lendemain de l’élimination du Cameroun, le site internet Camfoot, consacré à l’actualité sur le football camerounais.
Des arguments similaires avaient déjà été invoqués en 1972, lorsque le Cameroun, pays organisateur de la 8e coupe d’Afrique des nations, avait été éliminé par le Congo. Le 2 mars 1972 au stade Ahmadou Ahidjo, à la 31e minute de ce match, Minga Pépé du Congo s’avance balle au pied. Il n’est pas attaqué et décroche, à l’extérieur de la surface, une frappe qui va battre Mbengalack. Pendant une heure de jeu, Nlend Paul et ses coéquipiers
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ne parviendront pas à égaliser. Le Cameroun vit un véritable cauchemar. C’est une nation tout entière qui pleure. Sans distinction de tribu, ni de langue. Des témoins assimilent ce qui a suivi ce match à un "véritable deuil national". Le joyau qu’est ce stade construit en 1971, et qui a permis l’extension de la ville de Yaoundé vers Mfandena avec la naissance de nouveaux quartiers et le bitumage de la route qui mène à Soa, est devenu, l’espace d’un match, un cimetière. Pourtant, pour le 1er match officiel dans ce stade construit en 1971 et baptisé du nom du chef de l’Etat de l’époque, le Cameroun s’est imposé le 23 février 1972 face au Kenya, 2-1, avec des buts de Ndoga et Ndongo, alias " monsieur football", en ouverture de cette Can.
Mondial
Le 31 octobre 1976, le Congo, toujours au stade Ahmadou Ahidjo, éliminera au 1er tour des éliminatoires de la coupe du monde 1978, ceux qui sont devenus les Lions Indomptables du Cameroun. Après un nul à Brazzaville (1-1), les Lions s’inclinent à Yaoundé, 1 but contre 2. Les démons de la cuvette de Mfandena ne sont pas exorcisés. Entre 1973 et 1982, le Cameroun ne participera ni à la Can, ni à la coupe du Monde.
Une éclipse de 10 ans qui va s’interrompre avec brio, notamment le 29 novembre 1981, lorsque les Lions se qualifient pour le "Mundial 82 " en Espagne. Après avoir rencontré leurs deux précédents adversaires, le Zimbabwe et le Zaïre, au stade de la réunification à Douala, c’est à Yaoundé, au stade Ahmadou Ahidjo, qu’ils battront le Maroc (2-1), en apothéose. Le Tonnerre, le Canon et l’Union y avaient déjà connu des victoires en coupes africaines. Mais c’était la 1ère fois, depuis sa construction, que ce stade était un vecteur d’hystérie pour tout le pays.
L’affluence lors de ce match, considérée comme la plus importante jamais enregistrée, n’a pas été donnée avec exactitude. Des estimations la situent à plus de 100.000 spectateurs. Sensiblement la même qu’on retrouvera en 1985 lors de la finale de la coupe du Cameroun présidée par Ibrahim Mbombo Njoya, ministre de la Jeunesse et des Sports. Après le complot éventré et qui aurait pu coûter la vie au président Paul Biya au stade lors de la finale de 1983, toujours entre Union et Canon, celui-ci semble développer une agoraphobie. Déjà en 1984, la finale de la coupe du Cameroun entre Dihep Di Nkam et Union se joue à Douala.
Paul Biya ne reviendra au stade qu’en 1987, année au cours de laquelle le Cameroun est éliminé à Yaoundé des Jeux olympiques de Séoul par le Ghana, malgré le renfort de Roger Milla. En décembre 1988, le chef de l’Etat est au stade, entouré de tous ses homologues de la sous-région lors de la finale de la coupe de l’Udéac. Devant André Kolingba de la Rca, Omar Bongo du Gabon, Hissein Habré du Tchad, Denis Sassou Nguesso du Congo et Téodoro Obiang Nguéma Mbasogo de Guinée Equatoriale, les Lions sont battus, à la surprise générale, au stade Ahmadou Ahidjo, par le Gabon. Guy-Roger Nzamba signe l’unique but du match et François Amégasse brandit le trophée que le Cameroun remportait jusqu’alors sans coup férir. Cette nouvelle contre-performance, vécue en direct à la télévision, est mieux digérée par le public qui a déjà fêté deux victoires à la Can (1984 et 1988) et verra les Lions se qualifier successivement pour toutes les coupes du monde de football en gagnant au stade Ahmadou Ahidjo leurs matches, jusqu’au 8 octobre dernier.
Junior Binyam
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