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FRANÇOISE MBANGO ETONE : « POUR MA MERE » (27.08.2004)
Dans l’impossibilité d’avoir au téléphone la nouvelle championne olympique du triple saut féminin aux Jeux olympiques d’Athènes, nous avons recueilli pour vous une interview que la “ Lionne des sautoirs ” a accordé à Rfi le lendemain de son extraordinaire victoire dans sa discipline. Elle y parle de ses émotions, de sa famille, de sa vie de femme, de la maladie de sa maman Hélène Etone.
On avait l’habitude de vous interviewer comme Vice-championne du monde, là c’est une championne olympique qui est en face de nous. Ça change quelque chose ? Qu’est-ce qui s’est passé depuis hier soir ?
Ouh ! Un très grand pas vers l’avant, une très grande progression et…le succès. Trois fois vice-championne du monde, il était temps d’avoir le titre de championne olympique.
Ce n’est pas n’importe lequel, le titre de championne olympique est encore plus beau que le titre de championne du monde, non ?
Je l’avoue franchement. C’est quelque chose de beaucoup plus extraordinaire qu’un titre de championne du monde. Où ? A Athènes en plus, au berceau de l’olympisme ! C’était vraiment fantastique hier, surtout la manière de la prendre, cette médaille. C’est une médaille que j’ai vraiment méritée.
Oui, 15 mètres 30 et un nouveau record d’Afrique. Vous n’avez l’air d’avoir dormi beaucoup ?
Je n’ai pas du tout pu dormir. Je n’arrive pas encore à réaliser ce que j’ai fait moi-même. Je pense que quand on est fort ou quand on réalise de grosses performances, ce sont les autres qui perçoivent, qui peuvent savoir l’ampleur de ce que cela signifie. Et l’intéressé lui-même le réalise avec beaucoup de retard.
Ce n’est pas encore fait ?
Je ne l’ai pas encore réalisé. C’est peut-être quand je vais rentrer au Cameroun, que je verrai la population courir dans les rues que je vais réaliser.
Et pourtant, il y a quand même beaucoup de félicitations qui arrivent, j’imagine ?
Ouh, pas quand-même. Beaucoup de félicitations qui viennent de partout. J’ai entendu ce que les commentateurs ont dit dans les médias et franchement, je n’arrive pas à croire que c’est de moi qu’on parle comme ça.
Ce matin, vous étiez aussi chez un équipementier. Il est question de votre sponsoring et ça va changer quelque chose, j’imagine ?
Il n’y avait rien de suspect. J’avais un équipementier depuis deux ans et chaque année les choses s’améliorent avec lui. Et aujourd’hui, c’est avec les bras ouverts qu’il m’a accueilli parce que je suis quelqu’un qui sait tenir à sa parole. J’avais promis que j’allais gagner aux Jeux olympiques. Je l’ai fais. Je suis allée lui dire “ voilà ma médaille ”. Je pense que les choses iront mieux.
Et votre médaille ?
Elle est là, avec moi. Je marche avec elle.
Elle est belle, vous l’avez beaucoup regardé depuis hier soir ?
Oui, plusieurs fois.
On a entendu dire que ces cheveux courts que vous arboriez hier pour le concours étaient en pensant à votre maman. C’est vrai ?
Oui, c’est vrai, je l’ai dit. Ma maman souffre d’un cancer. Et maman a eu une opération très délicate qui a duré plus de heures de temps au Cameroun. Donc elle était vraiment entre la vie et la mort, elle a même
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failli y rester. C’était un moment très choquant. Il y a de cela un mois, je n’étais pas très tranquille à Paris. C’était pour moi une façon de montrer à maman que j’étais de tout cœur avec elle, parce que, depuis qu’elle est malade et opérée, je n’ai pas pu la voir. Je ne pouvais pas retourner au Cameroun et revenir pour la préparation de ces jeux. J’ai fait ça pour la soutenir dans sa maladie. Il fallait que je me batte pour cette médaille pour pouvoir assurer sa santé.
Cette médaille doit lui avoir fait plaisir évidemment ?
Oui, beaucoup. Elle m’a dit “ maman, il faut vraiment que tu gagnes, il faut que le bon Dieu te donne cette médaille, parce qu’il faudra beaucoup d’argent pour que je puisse encore vivre un peu longtemps ”.
La famille, c’est vraiment le moteur de votre carrière ?
Oui, je l’ai toujours dit, c’est le principal moteur.
Grande famille ?
Oui, une grande famille de dix enfants dont je suis la troisième avec un garçon, un frère jumeau.
Toute cette famille repose sur vos épaules ?
Oui, parce que tous ont fait leur parcours scolaire jusqu’au niveau universitaire, ils ont des diplômes mais ce n’est pas facile d’avoir un boulot au Cameroun. Ils se débrouillent mais pas avec quelque chose de consistant comme un boulot de fonctionnaire, pas de salaire. Bref tout repose encore sur moi jusqu’au jour d’aujourd’hui. Je l’assume tant que je peux.
Vous êtes une femme, vous êtes d’Afrique noire, il y a beaucoup de symboles autour de votre titre de championne olympique. Vous êtes la première. Vous - vous rendez compte que vous êtes depuis hier soir une figure emblématique du sport africain tout simplement ?
J’en suis fière parce que cela fait partie de mes combats depuis des années, faire un sport propre, se hisser à la plus haute marche du podium, montrer que la femme africaine peut utiliser ses potentialités naturelles pour faire quelque chose d’extraordinaire, quelque chose de beau aux yeux du monde. Cela a toujours été mon principal rêve, et encourager ainsi les jeunes à faire quelque chose, à se battre dans la vie, à réussir quel que soit le domaine par leurs propres moyens, de rester fières d’elles et surtout d’avoir le sens de l’honneur.
Qu’est-ce que vous allez faire maintenant ?
Dans les jours qui viennent, je vais d’abord me reposer, récupérer, de pouvoir dormir, parce que là, je suis vraiment fatiguée. Je n’arrive pas à dormir. Je vais rentrer à Paris pour me préparer pour l’année prochaine et savoir où je vais rester, comment je vais continuer ma vie. Si j’avais un homme dans ma vie, je planifierais peut-être faire un bébé, mais ce n’est peut-être pas pour maintenant.
Ça va être une grosse fête pour vous à Yaoundé, vous savez ?
Ah oui, franchement, il parait que les auditeurs ont réagi dans les radios, ils sont descendus dans les rues, des gens m’ont appelé. Ils ont suivi cela à chaud avec beaucoup d’émotions. La majorité de ceux qui ont appelé ont dit qu’ils n’y croyaient pas. C’était très fort. C’était finalement extraordinaire, ce que j’ai fait. Le plus important était de gagner aux Jeux olympiques. C’est très important pour la vie.
D.T.
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