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Football au Cameroun : La formation des formateurs remise en cause (28.06.2006)
Plusieurs joueurs locaux frappant à la porte de l’équipe nationale ont laissé un goût amer quant à la qualité de leur jeu.
Le premier stage d’imprégnation des joueurs locaux appelés à entrer un jour en équipe nationale senior du Cameroun a pris fin vendredi 23 juin. Plusieurs athlètes ont laissé ressortir des lacunes techniques. Pourtant, il y a encore quelques années, l’équipe nationale était constituée d’environ 70 % de joueurs évoluant sur le plan local. Qu’est ce qui peut donc conduire à cette decriptitude ? Ebendeng Laurent, ancien Lion indomptable, ancien sociétaire de Unisport de Bafang et de Tkc de Yaoundé, et aujourd’hui directeur technique de Csk de Yaoundé pense que “ le football camerounais a été fragilisé à partir du moment où il y a cet exode des joueurs. Les jeunes talentueux qu’on retrouve au sein du championnat national rêvent tous de partir pour se chercher. C’est ça qui fragilise notre football. ”
De son côté, Bertin Ebwelé Ndingué, ancien international et ancien sociétaire de Olympique de Mvolyé et de Tkc de Yaoundé, club qu’il a eu à entraîner l’année dernière, estime que “ les causes sont multiples. Tout part des formateurs. Ça fait pratiquement plus de dix ans qu’on évolue dans ce système. ” En somme, la formation des formateurs est remise en question. Il y a trois ans, le ministre de la Jeunesse et des sports (Minjes), Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt mettait sur pied, à l’Institut national de la jeunesse et des sports (Injs), la formation des entraîneurs de football de haut niveau. Cette option décriée en son temps, ne laisse pas moins des conséquences sur le plan national.
Instabilité
Beaucoup remettent en cause la qualité des enseignements. En outre, il est difficile de comprendre qu’un entraîneur n’ayant pas pour option le football se charge de l’encadrement des athlètes dans ce domaine. A côté de cette absence de spécialisation déplorée par Souleymanou Aboubacar, entraîneur de l’équipe nationale junior, diplômé à la Deutscher Fussball Bund (Dfb), en Allemagne, d’autres voix s’élèvent pour condamner la mauvaise organisation du championnat. Laurent Ebendeng indique que : “ à notre époque, le championnat était bien organisé. Nous n’avions pas l’intention de sortir du pays sans être des joueurs confirmés sur le plan local. ” Aujourd’hui, il est difficile de voir un joueur qui fait trente matches de championnat. Immédiatement, il est transféré en Europe. C’est la difficulté que comporte ce championnat en ce moment.
Avant, chaque équipe de première division était tenue d’avoir une sélection junior et cadette. L’équipe senior avait en son sein, au maximum trois joueurs juniors. Ce qui laissait place à l’émulation. A l’heure qu’il est, certains clubs de première division ne sont constitués que des joueurs juniors, sans sélection junior ou cadette. Pour Bertin Ebwele, “ les jeunes ont choisi de sauter beaucoup d’étapes. Au sommet, ils sont soumis à une forte pression des résultats. Le petit détail est fortement négligé. A notre époque, il y avait d’abord la stabilité des joueurs dans les équipes. Nous étions de véritables copains. Nous étions capables de faire cinq ans dans une équipe parce qu’on se sentait dans une famille. ” Depuis trois ans, la licence est annuelle. Les joueurs peuvent voltiger d’un club à l’autre. Ceci crée l’instabilité dans un groupe. On peut donc
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aller suivre un match sans avoir l’assurance de revoir un joueur qui vous a fait bonne impression il y a une semaine.
Réajustement
Au moment de la gloire du football camerounais, les acteurs étaient connus. L’on allait au stade voir des derbies entre deux joueurs. A titre d’exemple, pour une rencontre opposant Canon de Yaoundé à Union de Douala, l’on savait que Thomas Nkono et Joseph Antoine Bell allaient gratifier les spectateurs de beaux arrêts. Qu’à l’attaque, Jean Mangana Onguené d’un côté et Eugène Ekoulé de l’autre feront trembler les défenseurs. Qu’au milieu de terrain de Canon, Théophile Abega et Grégoire Mbida règneront en maîtres. Cette capacité à dominer le championnat local permettait de placer les meilleurs sur orbite. Leur choix pour la sélection nationale était très minutieux. Laurent Ebendeng se souvient de sa période et de comment les joueurs locaux étaient sélectionnés. “ D’abord, dans votre localité ou dans votre équipe, les supporters, les dirigeants et même tous les footballeurs savaient déjà que tel joueur évoluant dans telle équipe est performant. A partir de ce moment-là, les médias et les entraîneurs nationaux s’en occupaient. ” Au jour d’aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
Pour rectifier le tir, il faut d’abord réorganiser la base. La création des infrastructures est primordiale. Les conditions dans lesquelles les joueurs évoluent ne permettent pas de produire leur meilleure prestation. Il faut hiérarchiser les choses. Bertin Ebwele pense que “ pour nous en sortir, il faut prendre du temps pour essayer de rétablir l’équilibre. Il faut qu’au niveau des formateurs, qu’on essaie de faire un réajustement et que l’attitude des joueurs également change. Il ne faut pas que les joueurs aillent monnayer leur talent. Ce sont des attitudes qu’il ne faut pas encourager. On a l’habitude de dire que ce sont les entraîneurs qui prennent de l’argent. ” C’est déjà une faiblesse en soit que de venir donner de l’argent pour obtenir sa sélection. Ça veut dire que sur le plan des valeurs, on se sent incapable de pousser. L’ancien joueur de Tkc propose un réaménagement de l’encadrement technique. “ Il faut qu’il y ait à la direction technique nationale, un véritable suivi. Que les Jules Nyongha, René Sadi et tous ceux qui ont connu notre époque essayent de suivre au quotidien les entraîneurs qui aujourd’hui n’arrivent pas maîtriser les fondamentaux. Si un joueur ne peut pas véritablement faire la passe, c’est qu’il y a problème. ”
Avant, il y avait un match hebdomadaire de championnat par équipe, en nocturne. Ce qui permettait aux travailleurs de suivre également les rencontres. Une structure, l’Office national des sports (Ons) dotée d’un budget conséquent, gérait tous ces éléments. Aujourd’hui, l’entraîneur ne sait même pas quand ses joueurs vont jouer, et combien de fois par semaine. Ceci a une influence sur le dosage des entraînements. Laurent Ebendeng se souvient que “ à notre temps, le calendrier était connu un mois à l’avance. Ce qui permettait à l’entraîneur de mieux planifier son travail. Actuellement, il est en méli-mélo. On ne sait pas quand on va jouer. Ceci pose un problème chez les joueurs. ” Que les joueurs locaux qui frappent à la porte de l’équipe nationale arrivent en stage pour apprendre encore des rudiments, cela devrait pousser à la réflexion collective.
Par S.N.
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