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CAN / Mondial 2006 : la faute aux sorciers ! (07.09.2005)
Fraternité Matin (Abidjan)
Venance Konan
Tout avait bien commencé par un déjeuner sur le parking du stade.
Un déjeuner a été offert à plusieurs personnaltiés invitées du partenaire de la Fédération ivoirienne de football
L`événement aurait dû être historique. Vous vous rendez compte ? La Côte d`Ivoire qualifiée pour la première fois pour une coupe du monde. Il suffisait que nous battions le Cameroun. Et ce n`était pas au-dessus de nos forces. Nous y croyions fort. Tellement fort que je n`ai pas voulu rater ce moment historique. Le dernier match auquel j`ai assisté au stade Houphouët-Boigny date du temps où M. Ouattara était le Premier ministre et René Diby le ministre des sports. C`était un match contre le Nigeria en 1993. C`est ce jour que les joueurs nigérians avaient refusé de serrer la main du Premier ministre parce qu`ils avaient peur de nos fétiches.
Convaincu donc de ce que j`allais vivre un moment historique, j`ai donc enfilé mon T. shirt Orange Blanc Vert et j`ai été au stade hier. Et dans la loge des VIP, s`il vous plaît. Les VIP,(Very Important Person), ce sont les personnes capables de payer leurs places à 100 000 francs, ou qui ont des amis qui peuvent leur offrir une invitation, ce qui est mon cas. Et être VIP, c`est d`abord se faire transporter en car climatisé jusqu`au stade depuis le Sofitel où un pot est offert, ensuite au stade, nous les VIP nous attendons sous un chapiteau Orange où l`on sert du champagne et des plats fins, le genre de plats que l`on ne trouve pas à Adjamé. Et sous le chapiteau des VIP, on rencontre plusieurs personnalités, parmi lesquelles de vrais grands types et d`authentiques faux types. Je cite en vrac quelques unes des personnalités que j`ai rencontrées : Jacques Anouma, Berthe Adou, Roger Kouassi, Tapé Doh, Laurent Pokou, Jean Claude N`da, le patron de la Versus Banque, François Brunet le D.G. de Orange, le sponsor principal des Eléphants et organisateur de cette sauterie, l`honorable député William Atteby, un diplomate suisse, Doré Lassina, N`Dri Germain le président du Stade d`Abidjan et bien d`autres encore. Sans compter beaucoup de côcôs
Nous entrons au stade à 14 heures 20. Quelques artistes font des play-back. Le public hurle lorsque nos Eléphants font leur apparition sur le stade, tandis que les Camerounais sont
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copieusement hués. C`est notre fair-play.
Le match commence. Mon problème est que ma culture footbaulistique étant aussi épaisse qu`une feuille de papier, le seul de nos joueurs que je reconnais est Didier Drogba. Chez les Camerounais je ne reconnais personne. J`ai bien leurs noms sous les yeux, mais quant à dire qui a le ballon et qui il est en train de dribbler, c`est une autre histoire. Mon voisin à qui je demande à chaque fois les noms des joueurs commence à me trouver suspect. Quel est ce supporter qui ne connaît pas Aruna Dindane ou Samuel Eto`o ? Un des inconvénients des matchs en direct au stade est qu`il n`y a pas de commentateurs pour dire les noms et commenter les actions. L`autre inconvénient est qu`il n`y a pas de ralenti. Ainsi, n`ayant pas bien compris comment nous avons encaissé le premier but, j`ai pendant un court instant compté sur un ralenti avant de réaliser que je n`étais pas devant mon téléviseur mais bien au stade. Les autres buts se sont déroulés tout aussi rapidement que le premier et je n`ai pas su qui avait marqué chez les Camerounais. Chez nous par contre, j`ai bien reconnu Didier Drogba.
Après le troisième but camerounais, mon ami Innocent qui était au bord de l`apoplexie a voulu que nous rentrions aussitôt. Il a fallu toute la diplomatie d`Eugène pour le persuader de rester jusqu`au bout. Et nous avons espéré en un miracle jusqu`au bout. En vain.
Sur le chemin du retour, chacun cherchait la cause de cet échec. On accusait pêle- mêle l`entraîneur, l`arbitre, Jacques Anouma ou le gardien des buts. Je croise Blondine, une amie de Treichville. Je lui dis " yako ". Elle me dit " c`est rien ça. C`est pour les Camerounais qui est dur. Nous, on a déjà eu Asec-Orlando. Donc on est vacciné. "
De retour au journal, un de mes collègues me donne la vraie raison de notre défaite. Ce sont les sorciers d`Akradio. Ils auraient téléphoné à la radio pour dire qu`ils n`avaient pas été entièrement payés après notre victoire à la Coupe d`Afrique à Dakar en 92. Ils ont donc dit que si rien n`était fait pour leur donner satisfaction avant le match contre le Cameroun, nous perdrons. Et, la preuve, selon mon collègue, est qu`il y a eu de nombreux accidents avant ce match. Ce qui signifiait clairement que les génies étaient fâchés contre nous.
Avec ça nous espérions aller à la coupe du monde.
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