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Coupe du monde 2006 : La Côte d’Ivoire a-t-elle été disqualifiée ? (19.10.2005)
Des histoires cousues de fil blanc circulent sur la disqualification de la Côte d’Ivoire.
"La nouvelle est tombée comme une massue à Abidjan, alors que ses 4 millions d’habitants fêtaient la qualification de leur équipe nationale à la coupe du monde 2006 en Allemagne". Voilà la 1ère phrase d’un fax parvenu à notre rédaction vendredi dernier, 14 octobre 2005. Le fax est expédié de Garoua par une connaissance d’un collègue qui travaille dans cette ville. En fait, il ne s’agit que de la transmission d’un message dont l’original, si l’on s’en tient à l’entête, est parti de Thomas Pelletier, "Managing director Cfao Ghana Ltd", qui, lui-même, relaie vraisemblablement une dépêche attribuée à l’Agence française de presse (Afp). En effet, en introduction du texte on peut lire, "Paris (Afp)-21h53".
La "nouvelle" à laquelle référence est faite d’emblée est la suivante : "la Côte d’Ivoire, suite à un scandale révélé par son gardien de buts Moulay Abubaker, n’ira pas à la coupe du monde. Suite à des fuites, une enquette (sic) a été ménée (sic) par les instances de la Fifa, à l’issue desquelles (sic) l’international soudanais a été contraint d’avouer hier, qu’un accord avait été conclu entre ses coéquipiers et l’homme d’affaires ivoirien Seyni Kotanou. Ce dernier a remis au onze soudanais une somme de 7,35 milliards de francs Cfa (11,5 millions d’euros) afin de perdre leur match du 08 octobre contre la Côte d’Ivoire." Il n’en fallait pas plus pour que la nouvelle fasse le tour du Cameroun et trouve de nombreuses personnes qui adhèrent à ce scénario.
Ce d’autant plus que la dépêché excipée conclut que "les instances de la Fifa disqualifient la Côte d’Ivoire et infligent à sa fédération une amende de 500.000 euros. Suite à cette tricherie, c’est finalement les ambassadeurs pour la paix, les lions indomptables du Cameroun qui iront à la coupe du monde." Cqfd.
Les uns et les autres n’ont pas porté une attention particulière aux nombreuses fautes qui se sont glissées dans la "dépêche de l’Afp", pour ceux qui ont pu la lire. Car, beaucoup avaient pour principale source le téléphone arabe ou alors ils avaient lu sur "le net" sans jamais pouvoir indiquer le site visité. On a certes connu ces derniers jours une tentative de désinformation de cette agence de presse sur les actes de vandalismes perpétrés contre des proches de Pierre Wome et ses biens à Yaoundé, mais au moins, au niveau de la langue, de la grammaire et de la syntaxe ce texte était irréprochable. En plus, Moulay Abubaker n’est pas le nom de celui qui a gardé les buts du Soudan le 8 octobre dernier. Ce nom ne renvoie d’ailleurs pas à l’identité d’un joueur soudanais présent lors de ce match. Mohamed Abu était le gardien de but du Soudan face à la Côte d’Ivoire comme c’était déjà le cas le 27 mars à Yaoundé face au Cameroun.
Complément de rumeurs
Cette rumeur a prospéré au point où un autre argument est venu se greffer dans l’opinion pour soutenir la disqualification de la Côte d’Ivoire. Les éléphants auraient aligné un joueur suspendu pour un 2e carton jaune. Lequel joueur serait Didier Drogba dont on sait que la réputation en fait désormais le joueur ivoirien le plus connu des Camerounais. La rumeur s’est également nourrie de cette réunion de la Fifa prévue le vendredi 14 octobre à Zurich en Suisse pour procéder au tirage au sort des barrages dans la zone Europe, et qui apparaissait comme le conciliabule qui officialiserait ce que beaucoup tenaient déjà pour acquis : la qualification des Lions indomptables.
Cette réunion ne sera pas suivie de l’effet escompté par de plus en plus de Camerounais, puisque la rumeur n’a pas cessé de gagner du terrain. Ce n’est pas pour autant que la rumeur s’est arrêtée de courir. Lundi dernier en mi-journée à la direction de la Société immobilière du Cameroun, un employé scotché à son transistor lance agacé à sa collègue qui sollicite un renseignement, "ne me dérange
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pasil faut que moi-même je suive le journal on m’a dit qu’on est qualifié parce que les Ivoiriens ont acheté le match. Je ne dois plus rater le journal ces jours ci".
Ces derniers jours, ce sont des propos allant dans le sens de la remise en cause de votre compétence dont vous gratifie un proche quand, au-delà du scepticisme, vous battez en brèche toutes les affabulations qui ont cours. Parmi les dernières portées à la connaissance d’une trentenaire à Yaoundé par ses nièces, élèves dans une école primaire, la possibilité pour les Lions de disputer les barrages ou alors de se qualifier pour le mondial en remportant la Can en Egypte. A la Fédération camerounaise de football, le service de la communication se contente d’indiquer que toutes ces informations n’ont pas fait l’objet d’une attention particulière "puisque si elles étaient fondées, les journaux en auraient parlé et la Fifa allait nous envoyer un fax qu’on n’a pas reçu." Au ministère du Sports et de l’Education physique, révèle un cadre, "cette rumeur n’a fait l’objet d’aucune préoccupation particulière, ni officielle. Même dans les divers au cours de la réunion hebdomadaire du lundi, ces informations n’ont pas été évoquées. Encore moins lors de la réunion avec les partenaires japonais dans la perspective d’une réhabilitation du stade Omnisports de Yaoundé." En attendant, elle court. La rumeur.
Junior Binyam
Une forte attente…
Entre le 4 et le 6 juin 2004, le Cameroun avait déjà vécu une rumeur aussi importante. Le président Biya, en séjour privé comme souvent dans la capitale helvétique, était donné pour mort par une " information " véhiculée de bouche à oreille. Entre les Camerounais de l’extérieur et leurs compatriotes restés au pays, le contact téléphonique était des plus denses. Internet, le réseau des réseaux était mis à contribution, pour " informer " ou pour s’informer. Les uns disaient avoir appris la nouvelle d’une source haut placée, les autres voulaient la vérifier en auscultant les moindres mouvements des proches de la famille présidentielle. Même le communiqué de presse tardivement publié par le secrétaire général de la Présidence de la République, pour éteindre la rumeur, eu pour principal effet de l’amplifier. Pendant trois jours, les spéculations les plus folles avaient circulé sur l’avenir du pays. Certains, y compris de hauts responsables publics, avaient secrètement commencé à se préparer à l’après Biya. Il fallut attendre le retour du président au pays, quelques jours après, pour que tout revienne à la normale.
Ce qui se passe depuis l’échec des Lions indomptables dans leur quête d’une cinquième qualification consécutive à une phase finale de la coupe du monde ressemble étrangement au scénario de juin 2004. L’émotion n’est pas d’un égal niveau, mais les moyens utilisés pour véhiculer le message sont assez diversifiés: le Fax, le téléphone, le message électronique, le bouche à oreille… tout y passe. L’imagination des "sources " est décidément féconde. Aucune couche sociale n’est épargnée. Plus les jours passent, plus de nouvelles versions de l’affaire voient le jour...
Si la prétendue disqualification de l’équipe de Côte d’Ivoire de la prochaine coupe du monde paraît ainsi vraisemblable à un certain nombre, cela traduit sans doute la forte attente que les Camerounais avaient placée en leur équipe nationale, puisque les Lions indomptables sont présentés comme les principaux bénéficiaires d’un tel scénario. Cette attente était d’autant forte, qu’ils continuent de rêver de la participation de leur pays à la coupe du monde, malgré son élimination. C’était sans doute pareil, en juin 2004. A force de chercher en vain des indices d’une alternance politique à la tête de leur pays, les Camerounais s’était surpris dans un rêve curieux. Il n’est certainement pas bon de souhaiter ce qu’annonce la rumeur. Mais, il serait mauvais de refuser de la décrypter.
Christophe Bobiokono
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Lions no longer Indomitable ? 
