|
Sélectionneurs: De Colonna à Schäfer (19.11.2004)
E. G. S.
Panorama des techniciens qui ont dirigé l`équipe du Cameroun de football.
C`est toujours avec un pincement au coeur et une certaine délectation qu`ils évoquent l`équipe du Cameroun. Ceux des techniciens qui ont marqué l`histoire de cette sélection n`en gardent généralement que de bons souvenirs. Venu regarder Cameroun-Brésil au stade de France, en juin 2003 lors de la Coupe des confédérations, Dominique Colonna nous confia: "Quelque chose de fort et d`indicible me lie à cette équipe". Le premier entraîneur expatrié de l`équipe du Cameroun, qui conduisit notamment celle-ci, en compagnie du Camerounais Raymond Fobete, à sa première participation à une Coupe d`Afrique des nations (Can) en 1970 à Khartoum, prend encore du plaisir à voir jouer les vert-rouge-jaune.
Présent à chaque édition de la Can, l`Allemand Peter Schnittger, l`homme des premières conquêtes africaines du grand Canon de Yaoundé dans les années 70, a aussi gardé un côté affectif vis-à-vis du Cameroun. A Monastir, après l`élimination des Lions en quart de finale de la Can par les Super Eagles du Nigeria en février dernier, il était comme tétanisé dans la tribune et n`a pas voulu réagir: "Chaque fois que j`ai dit un mot sur cette équipe que je ne peux oublier, on a interprété que je voulais revenir", avait susurré ce technicien germanique inspiré par le football brésilien.
Les autres glorieux anciens entraîneurs des Lions indomptables, si on ne les entend pas beaucoup, parce que quasiment disparus de la circulation, n`en gardent pas moins un souvenir inoubliable. Il s`agit notamment de la filière de l`ancienne Europe de l`Est. Les Yougoslaves d`abord: Vladimir Beara, vainqueur de la première édition de la Coupe d`Afrique des vainqueurs de coupe avec le Tonnerre de Yaoundé en 1975; Ivan Ridanovic, deux coupes d`Afrique avec le Canon; Zutic Branco, l`homme de la première qualification à la Coupe du monde en 1982 en Espagne; et Rade Ognanovic, vainqueur de la première Can en 1984. Il y eut bien sûr le Soviétique Valeri Nepomniachi, l`homme qui conduisit les Lions indomptables à un quart de finale historique de la Coupe du monde 1990.
Interférences politiques
La filière française est à part, compte tenu des liens historiques et politiques qui unissent notre pays à la patrie des Gaulois. On en compte six, à avoir porté le manteau de coach du Cameroun. Le premier, comme on l`a vu plus haut, fut Dominique Colonna, ancien gardien de l`équipe de France. On peut classer les autres en "les gagnants", "les mercenaires" et "le looser". Les gagnants sont au nombre de deux. Claude Le Roy, arrivé sous les sifflets en 1985, est parti en 1988 avec la couronne de champion d`Afrique, Ce qui lui valut d`être rappelé pour une pige à l`occasion de la Coupe du monde 98 et d`être accueilli en héros malgré une élimination au premier tour. On lui doit notamment la détection ou la promotion d`une génération de joueurs peut-être pas tous doués mais vaillants: Kana et Omam-Biyik, Mbouh, Tataw, Ndip Akem, Mfedé. A la fin du Mondial français en
|
1998, Le Roy, devenu conseiller particulier du chef de l`Etat camerounais, recommanda son protégé Pierre Lechantre. Celui-ci allait bâtir la fameuse "Dream Team" qui gagna deux Can successives et une médaille d`or olympique entre 2000 et 2002, et faisait trembler les grands du monde du foot dont la France championne du monde, un certain 4 octobre 2000 au stade de France.
Les mercénaires sont deux grands noms du football français: Jean Vincent, ancien Nantais présent à la Coupe du monde 1958 (Coupe du monde 1982) et Henri Michel, ancien capitaine de l`équipe de France, entraîneur médaillé d`or olympique en 1984 (Coupe du monde 1994). Venus pour gagner beaucoup d`argent en un tour de main, ils n`ont laissé aucun souvenir impérissable au Cameroun. Le looser de la bande s`appelle Philippe Redon. Lui, avait un vrai projet avec les Lions, mais sans doute pas les qualités personnelles et les hommes pour le conduire. Son aventure sans relief s`achève en demi-finale de la Can 1992 face à la Côte d`Ivoire. On ne signalera pas dans cette liste des sélectionneurs français du Cameroun, le passage anecdotique de Robert Corfou, qui dirigea deux matches en 2001 après le limogeage tumultueux de Jean Paul Akono.
Et les entraîneurs nationaux alors dans tout cela? De véritables faire-valoir derrière les bonnets blancs. Hormis Raymond Fobete, qui avait la préséance sur Dominique Colonna, Jules Nyongha qui eut les pleins pouvoirs entre 1994 et 1996, malheureusement sans résultats probants,et Jean Manga Onguene qui dirigea l`quipe lors de la Can 98, là aussi sans succès. Jean Paul Akono, auréolé d`une médaille d`or olympique en 2000, fit aussi envoyé au charbon par le ministre Bidoung Mkpatt pendant trois mois en 2001. Les autres n`ont été que des adjoints de techniciens expatriés: Jean Calvin Oyono, Jean Atangana Ottou, Léonard Nseke, Jean Pierre Sadi, Pierrot Amah, Michel Ndjelezeck, Michel Kaham, Dominique Wansi, Thomas Nkono, Marius Omog, et les derniers en date: Ndtoungou Mpilé, Pierre Mbarga et Paul Ndanga.
Le premier responsable d`une équipe nationale est l`entraîneur. Normal qu`en cas de mauvais résultats, c`est lui qui saute le premier. Il faut pourtant rappeler qu`auCameroun,il y a des entraîneurs hauts perchés au-dessus du sélectionneur. Plus d`une fois, le chef de l`Etat en personne est intervenu pour la sélection d`un joueur. Et les expatriés n`échappent pas à ces pressions politiques, comme Schäfer l`a confirmé deux jours avant son limogeage. Imaginez alors le sort de professeurs d`Eps émargeant au Minjes... La plupart des cas d`instabilité chez les Lions indomptables sont d`ailleurs le fait du politique: quand Branco qualifie l`équipe au Mundial 82 et qu`on estime qu`il n`a pas l`étoffe pour la conduire en Espagne, quand le même scénario se produit en 1994 avec le recrutement de Henri Michel, quand enfin Bidoung Mkpatt met brutalement fin à la belle série de Lechantre. Pour une des rares fois, un entraîneur du Cameroun a été limogé mercredi dernier pour mauvais résultats. Est-ce le début d`une nouvelle ère?
|
|
|
|
|
|