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Prolongations sur les droits audiovisuels Carton rouge à l’informel (01.07.2005)
Enquête menée par Emmanuel Gustave Samnick
Le contrat Fécafoot-Crtv met en place un embryon de ce que seront un jour les droits de retransmission des matches de football au Cameroun.
Mohammed Iya, président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), et Amadou Vamoulké, directeur général de la Cameroon Radio Television (Crtv), ont paraphé le samedi 11 juin 2005 à Yaoundé une convention entre les deux organismes, portant sur les droits de retransmission sportifs audiovisuels. D’une durée d’un an, renouvelable par tacite reconduction, la convention accorde à la Crtv l’exclusivité des droits de retransmission, en direct ou en différé, des matches de football organisés par la Fécafoot ou dont les droits sont détenus pas cette dernière. La convention s’applique à toutes les rencontres organisées sur le territoire national par la Fécafoot (championnat de 1ère division, Coupe du Cameroun jusqu’en demi-finales, tournoi inter-poules, compétitions africaines inter-clubs, matches des sélections nationales toutes catégories) et celles jouées à l’extérieur mais dont la Fécafoot détient les droits. Sont concernées la télévision ainsi que la radio.
En contrepartie, la chaîne audiovisuelle publique s’engage à couvrir et à diffuser, conformément aux normes édictées par la Fédération internationale de football association (Fifa) et la Confédération africaine de football (Caf), les matches officiels et amicaux des équipes du Cameroun ainsi que les compétitions signalées ci-dessus. Pour ce qui est du championnat national de 1ère division, la Crtv montrera en direct le match phare de chaque journée, choisi d’accord partie avec la Fécafoot. Pour ce qui est de la Coupe du Cameroun, la finale n’est pas concernée par la convention, parce que relevant davantage du protocole d’Etat que de la Fécafoot. La Crtv fournira aussi aux partenaires de la Fécafoot le signal radio et télé des matches ainsi produits, et permettra la visibilité commerciale de ses partenaires (sponsors) qui seront prioritaires sur les plateaux des matches diffusés. La Crtv remettra copie de chaque match filmé à la Fécafoot et lui versera un forfait, allant de 1 à 5 millions en fonction du niveau de compétition, par match diffusé. Enfin, le gain financier engagé sur la publicité lors de la diffusion des matches sur l’antenne Crtv sera réparti entre les deux partenaires selon un quota qu’il ne nous a pas été révélé.
3 ans de négociations
Si l’entente entre la Crtv et la Fécafoot met ainsi fin à plusieurs années de brouille entre les deux organismes, elle a en revanche créé un vrai malaise dans le monde audiovisuel national. D’autant que le monopole accordé par la Crtv ne s’est pas fait, comme on le voit ces dernières années sous d’autres cieux, au terme d’un avis d’appel d’offres. A la Fécafoot, on cherche plutôt à calmer les critiques. Le premier vice-président, Jean-René Atangana Mballa, qui a reçu des responsables de Radio Siantou venus s’enquérir de quoi cette affaire retournait, affirme que la convention accorde «la priorité» et non «l’exclusivité» à la Crtv. Il explique qu’il n’y a d’exclusivité que sur le match-phare de la D1, les autres chaînes pouvant continuer à couvrir les autres matches du championnat et ceux des clubs camerounais engagés en coupes africaines.
«Nous sommes parvenus à cet accord pour éviter les désagréments qu’ont connu les clubs camerounais en Coupes africaines : ils ont perdu près de 150 millions en 2004 faute de diffusion de leurs matches par la télévision nationale», explique M. Atangana Mballa, qui souligne que la fédération ne gagnera pas d’argent pour l’instant sur ce contrat ; mais il s’agit de retrouver la confiance des partenaires et tracer le chemin de l’avenir.
Pour David Mayebi, conseiller au bureau exécutif de la Fécafoot, qui a participé à ces négociations avec la Crtv qui ont duré trois ans, c’est la notion de service public qui a conduit à conclure ce deal avec la chaîne gouvernementale. La Fécafoot serait en fait en train de poursuivre son œuvre
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d’amélioration de ses rapports avec les pouvoirs publics, après avoir fait la paix avec sa tutelle, le ministère des Sports et de l’Education physique.
Pour les matches des Lions indomptables, une équipe nationale sous le contrôle direct de l’Etat, la Fécafoot estime par exemple qu’il était impossible de faire autrement que de négocier avec la Crtv, chaîne publique qui a, en plus, vocation à couvrir l’ensemble du territoire national. En clair, les chaînes privées camerounaises intéressées par le spectacle football sont désormais obligées de s’approcher de la Crtv avant toute diffusion. C’est ce qu’aurait fait le patron de la télévision privée Canal 2, qui a retransmis en direct le match Cameroun-Libye du 19 juin dernier avec le signal produit par la Crtv.
Joint au téléphone, Emmanuel Chatué n’a pas voulu parler de ce deal, se contentant dire: «Je suis un homme d’affaires averti qui fait ce qu’il peut pour aider les Camerounais qui restent chez eux à ne pas s’ennuyer». Ce jour là aussi, Ariane Tv a diffusé Cameroun-Libye, et des radios libres ont retransmis le même match en direct, comme d’habitude à l’aide des téléphones portables, mais sans demander l’avis de la chaîne publique. Ce qui pourrait ne plus être le cas à des occasions futures…
Evolution
Il faut dire que la question des droits sportifs audiovisuels était quasiment ignorée, et des diffuseurs locaux, et de la Fécafoot, jusqu’au match historique France-Cameroun (1-1) disputé le 4 octobre 2000 au stade de France, en région parisienne. A cette occasion, le précurseur des télés privées camerounaises, Tv max, avait acquis auprès de la Fécafoot, à 10 millions de Fcfa, les droits exclusifs de retransmission de cette rencontre attendue depuis des années par un public camerounais avide de football. La France était championne du monde et venait de remporter la Coupe d’Europe des nations. Le Cameroun, champion d’Afrique en février, sortait de son expédition victorieuse aux jeux olympiques de Sydney.
Prise de court par la tournure des événements, la Crtv voulut négocier à la dernière minute avec les dirigeants de Tv Max, mais les deux parties ne parvinrent pas à s’entendre. Elle fit néanmoins le forcing pour diffuser le match, grâce au signal offert par Canal + Horizons. TV Max, se sentant abusé, porta l’affaite au tribunal de commerce de Paris qui, après une longue et coûteuse procédure, finit par donner raison à la Crtv, qui excipa sa notion de service public et le fait que la Fécafoot qui détenait ces droits gratuitement ne pouvait les vendre au point d’empêcher le public sportif camerounais de voir le match de son équipe nationale.
Avant cet épisode judiciaire du match France-Cameroun, la Crtv avait toujours diffusé les matches des Lions indomptables et certains autres du championnat, comme le match d’ouverture de la saison, sans bourse délier, se faisant même plutôt payer des sommes de 7 millions, 10 millions de Fcfa par la Fécafoot. «Pour la production et la diffusion d’un match de football, la Crtv mobilise une soixantaine de personnes et d’énormes moyens de production. Alors, quand un producteur de spectacle vient nous demander de diffuser son spectacle, on lui présente la facture représentant les coûts de production», justifie François Mballa Mekongo, le chef de la cellule juridique de la Crtv. En clair, à cette époque, c’est la Fécafoot qui était demandeur et devait payer pour le service commandé. La donne a de toutes façons complètement changé. Aujourd’hui, au Cameroun, comme cela se fait ailleurs, c’est le diffuseur, qui sait quel bénéfice il peut tirer en termes d’audimat et de recettes publicitaires, du spectacle sportif, qui paie. Dommage que la chaîne privée qui a déclenché ce processus en 2000, Tv Max, ait disparu de la scène, ayant certainement laissé des plumes dans la bataille judiciaire contre le mammouth Crtv, au moment où les choses reviennent progressivement à la normalité. L’histoire ne l’oubliera pas néanmoins, comme ces nationalistes qui ont lutté pour l’indépendance du pays mais n’ont pas pu en jouir eux-mêmes…
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