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Au tribunal :L’affaire Léonie Mani (04.08.2003)
Une enquête de
Thierry NDONG
La spécialiste camerounaise des 100 m et 200 m est accusée de dopage à la Norandiosterone et s’en défend. Victime ou coupable ?
L’athlète camerounaise Myriam Léonie Mani comparaissait devant le Tribunal arbitral du sport de Lausanne vendredi dernier. Elle est accusée de dopage à la Norandrosterone. Occasion pour elle de réclamer le payement de ses primes et la réparation du préjudice causé par une suspension jugée fantaisiste. Le Messager fait une incursion dans l’argumentaire développé par les parties en conflit, en l’occurrence la Fédération Internationale des associations d’athlétisme ( Iaaf) et Léonie Mani.
1 L’accusation de l’Iaaf
L’affaire de dopage de Myriam Léonie Mani commence de façon anodine le 30 avril 2002. Ce jour-là en effet, la sprinteuse camerounaise installée à Norfolk en Virginie (Etats-Unis), reçoit une visite inopinée du département antidopage de la
Fédération Internationale des Associations d’Athlétisme (Iaaf). En toute sérénité, elle subit un contrôle antidopage hors-compétition de l’Iaaf. A en croire ses proches, Myriam Léonie Mani pense dans son for intérieur que l’occasion est inespérée pour se faire payer une prime (60.000 dollars) consécutive à son succès en finale du grand prix Iaaf 2001.
La Camerounaise
va très vite déchanter.
Le 17 mai 2002, la nouvelle tombe comme un couperet. “J’ai le regret de vous informer que le laboratoire accrédité de Montréal a identifié dans l’échantillon 366.858 de votre athlète, Mlle Myriam Léonie Mani (...), la substance norandrosterone “, explique le Dr. Gabriel Dollé à la Fédération camerounaise d’athlétisme. Le Responsable du département antidopage suggère toutefois un recours à l’athlète: l’analyse de l’échantillon B dans un délai de 28 jours, après notification du résultat.
Myriam Léonie Mani est la première surprise par la tournure des événements. “Elle a pleuré. Elle a dit n’avoir jamais pris de produits dopants. D’ailleurs, elle se montrait prête à un autre test, même sanguin”, explique-t-on dans son entourage. Aussi, accepte-t-elle l’analyse de l’échantillon B. Le résultat laisse apparaître la même substance. Des explications sont demandées à l’athlète. Elles sont ensuite jugées insatisfaisantes - et partant inacceptables - par le département antidopage de l’Iaaf, qui prononce une suspension provisoire de l’athlète en juin 2002.
Pour démontrer sa bonne foi, Myriam Léonie Mani subit deux autres tests hors-compétition de l’Iaaf, les 17 juin et 21 septembre 2002. Les résultats sont négatifs. Curieusement, l’Iaaf reste muette. Le silence est assimilé à la disculpation. La spécialiste des 100 et 200 m se remet sur les pistes. Objectif : Tenter de sauver une saison à moitié gâchée. Elle fait ainsi partie de la sélection africaine pour la Coupe du monde d’athlétisme de Madrid, en septembre 2002. L’équipe, connaîtra des fortunes diverses. Les messieurs remportent le tournoi. Tandis que les dames occupent le cinquième rang mondial. Pour la Camerounaise Myriam Léonie Mani, c’est en tout cas la renaissance. L’athlète participe à quelques meetings mais, elle est vite rattrapée en fin d’année par des mises en demeure de l’Iaaf.
2 La défense de Mani
La Fédération camerounaise d’athlétisme, saisie du cas de Myriam Léonie Mani, est mise à contribution par l’Iaaf. Depuis le déclenchement de l’affaire, elle s’est investie en organisant des séances d’audition de l’athlète. A l’occasion, Myriam Mani a fait valoir trois explications différentes tour à tour rejetées. Dans un premier temps elle a évoqué une ingestion de compléments nutritionnels. Le deuxième justificatif donné est la
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prise d’une pilule contraceptive : Diane 35 ou trimordial. Ce médicament aurait été à en croire la jeune camerounaise de 27 ans, à l’origine de la substance norandrosterone découverte dans son organisme. La consommation d’un porc castré au cours d’un séjour au pays natal en mars 2001, est le troisième argument qu’elle avance pour expliquer les faits qui lui sont reprochés.
“Elle n’a jamais été confrontée à une accusation de dopage. D’où son désarroi. Il faut du temps pour qu’elle puisse exactement situer l’origine de ses problèmes. D’où les multiples arguments”, se défend-on encore dans son entourage. L’Iaaf rejette évidemment en bloc toutes ces explications. Son département antidopage se montre également impatient. “... l’Iaaf ne peut plus accepter le moindre retard dans cette affaire et votre fédération est donc priée de procéder à la conclusion de l’audition de l’athlète, conformément au règlement de l’Iaaf, et ce au plus tard le 15.01.03. Sinon, l’Iaaf devra soumettre le cas à la Commission Antidopage, puis au conseil lors de sa prochaine réunion”, menace le Dr Gabriel Dollé.
Embarrassée, la Fédération camerounaise d’athlétisme organise une dernière audition en janvier dernier. Elle aboutit à une seule conclusion : le constat d’un contrôle positif de l’athlète Myriam Léonie Mani. De ce fait, elle requiert l’indulgence de l’Iaaf, et suggère un avertissement à la sprinteuse. On s’en doute, l’Iaaf reste sur sa faim. L’institution dirigée par Lamine Diack attendait mieux de la Fédération camerounaise d’athlétisme, en l’occurrence une suspension de deux ans pour Myriam Léonie Mani.
3- Place au tribunal
Le Tribunal arbitral du sport de Lausanne a finalement été saisi par les deux parties. L’Iaaf, qui n’a pas pu convaincre la Fédération camerounaise d’une opportunité de suspendre Myriam Léonie Mani, espère parvenir à ses fins. Ce serait alors l’épilogue d’une affaire qui n’a que trop duré. La sprinteuse camerounaise, quant à elle, affiche son optimisme. Et croit en ses chances d’avoir gain de cause. D’abord au sujet d’une accusation de dopage aux relents de cabale. A cet égard, elle compte s’appuyer autant sur des résultats déclarés négatifs de deux tests effectués à la suite de l’accusation que sur des conclusions de ses conseils juridiques.
L’athlète présente par ailleurs des preuves démontrant des attitudes déloyales et des manœuvres injustifiables de la commission antidopage de l’Iaaf à son encontre. Un exemple : Un membre de ladite commission, qui ne connaissait physiquement pas l’athlète, a déclaré l’avoir rencontrée pour un contrôle refusé.
Outre les clarifications sur les accusations de dopage, la Camerounaise revendique le payement des primes liées à ses participations au championnat du monde d’Edmonton et au Grand prix Iaaf 2001. Jusqu’ici, l’Iaaf fait le dilatoire.
La raison invoquée : Myriam Mani n’a pas subi en 2001 le minimum (de deux contrôles) comme l’exige la réglementation en vigueur. Ce à quoi elle répond en substance : “Les contrôles antidopage sont organisés par la commission spécialisée de l’Iaaf. J’ai toujours été prête à m’y soumettre. Mais, je n’ai reçu aucune visite des membres de cette commission. Ce n’est donc pas de ma faute, si le quota n’a pas été atteint”.
On le constate, la cassure est plus profonde qu’elle n’y paraît. Et seul le Tribunal arbitral du sport devrait décider en dernier ressort dans cette affaire. En attendant, la sprinteuse camerounaise a repris du service, dans le cadre des compétitions ne figurant pas dans le calendrier de l’Iaaf pour entretenir la forme, dans la perspective des championnats du monde à Paris, à la fin de ce mois d’août. D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts.
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