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France : Edel est-il vraiment Edel ? (18.02.2010)
L’Equipe Mag a mené une enquête sur l’âge, le nom et le parcours au Cameroun du joueur du Psg. Là haut, sur les pentes du quartier de Mimboman, à Yaoundé, le local de l`Espoir FC est devenu un garage et les dortoirs de l`étage décrépi, un salon Internet.
Difficile d`imaginer que ce club fut un jour un modèle du genre, un centre de formation réputé. Trois repas par jour, une douche après les entraînements et un salaire de 15 euros par mois versé aux joueurs, un vrai luxe dans ce Cameroun de misère.
Fondée par le médecin des Lions Indomptables, le professeur Pierre Tsala Mbala, grâce à l`aide d`un mécène suisse d`origine grecque, cette structure formait des joueurs revendus à l`étranger, avant qu`elle ne s`éteigne au décès de son créateur, en 2005. C`est bien là pourtant, en face du terrain de poussière rouge des sapeurs-pompiers, qu`il faut se rendre pour retrouver la trace du gardien du Psg et tenter d`éclaircir l`épais mystère qui obscurcit son histoire. Car qui est-il, au vrai, ce talentueux joueur ? Est-il bien Apoula Edima Bête Edel, né le 17 juin 1986 à Yaoundé, comme il l`assure et comme le soutient son club, dont il garde les buts depuis la grave blessure de Grégory Coupet ?
Ou bien est-il Ambroise Beyamena Edima, né le 19 avril 1981, comme l`affirme Nicolas Philibert, le coach qui assure l`avoir entraîné à Yaoundé de juin 2000 à juin 2001 et qui a dénoncé la présumée falsification, fatigué d`attendre le remboursement d`une dette de 35 000 euros. Qui croire ? Edel a déposé plainte pour diffamation et tentatives de chantage et d`extorsion de fonds contre Philibert. Philibert pourrait répliquer en justice.
« L’âge de Kumba »
À Mimboman vit toujours le fils du professeur Tsala, Marc, lui-même ancien manager au club. Il a eu vent de l`affaire. Il a regardé Internet, fouillé dans les archives et compris qu`il pouvait prétendre à l`indemnité de formation que l`Espoir FC n`a jamais touchée lors du transfert du joueur en Arménie en 2002. Mais il hésite, ne veut pas lâcher l`info. Cet Edel dont on lui montre une photo au PSG, est-il Beyamena ? « Vous me parlez d`Edel. J`aimerais savoir où est passé Beyamena », esquive Marc Tsala, qui préfère raconter l`histoire d`une équipe performante dont les gars se sont ensuite envolés vers l`étranger. « Ils avaient une façon de partir pas orthodoxe. Ils disparaissaient dans la nature et on n`avait plus de nouvelles. » Des gars envolés au Liban, placés par Philibert, comme Claude-François Rigam, aujourd`hui défenseur à Corte (CFA2) ou Pierre Boya, attaquant à Grenoble (L2). Dans L`Équipe, Rigam a avoué qu`Edel était bien Beyamena. Boya a dit le contraire dans Le Parisien et traité Philibert de négrier.
Quartier Omnisports, au pied du grand stade Ahmadou-Ahidjo de Yaoundé, sur les terrains annexes miteux. On cherche toujours des traces d`Edel. Edel ? Dans le quartier, les pistes se précisent. Non, pas vraiment Edel. « Ici, il est Beyamena. À l`étranger, Edel », affirme un coach. Comme si Edel-Beyamena était bien un seul et même individu, originaire du quartier de Mvog Ada, dans l`est de la capitale. Mais personne ne veut en parler officiellement. Ou bien il faut « raquer ». Tout se monnaie. Car certains anciens coéquipiers d`Edel-Beyamena ont subi des pressions du genre « Ne te
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mêle pas de ce qui ne te regarde pas. » L`un d`eux, apeuré, souffle « Je ne veux pas que Philibert aille en prison car il dit la vérité et je ne veux pas non plus ruiner la carrière d`Edel. » Si certains articles de presse affirment qu`Edel aurait joué au club de deuxième division camerounaise du PWD Kumba de 1998 à 2002, ses anciens amis expliquent qu`Edel n`a jamais quitté Yaoundé et que cela signifierait qu`il aurait joué en D2 à 12 ans. Impossible.
La maman de Beyamena.
Sur les collines de la ville, dans les faubourgs d`Essos ou de Mvog Ada, on part en quête de la maman de Beyamena. Les gens du quartier nous conduisent à un resto baptisé La Source. La patronne s`appelle Christine Edima Bassa. Elle se présente comme la maman d`Edel, pas de Beyamena. Punaisées au mur, ce sont bien des photos du gardien du Paris-SG. « Mon fils n`a pas changé d`identité. Mon frère est prêtre. Tu dois avoir peur de Dieu. Et si tu as peur de Dieu, tu ne fais pas certaines choses. » Elle déroule le fil de la carrière de son garçon. Avant de nous emmener chez la grand-mère d`Edel, là où il a commencé à jouer, au milieu de maisons délabrées.
Des gamins y tapent la balle. On leur demande : « Vous connaissez Edel ? » Un « Non » fuse. Puis un « Chut ». La maman crie : « Apoula, vous connaissez ? » « Oui ! » Au gamin, on souffle : « Tu connais qui ? Beyamena ? » « Oui. » Elle a aussi fait venir le président-fondateur-entraîneur du club Puissance Avenir, lequel affirme que le gamin aurait été licencié chez lui, catégorie minimes. Une nouvelle étape qu`Edel n`a jamais évoquée dans son parcours. Un petit club tout juste sorti du chapeau ? Déjà, entendre dire qu`Edel avait passé quatre ans à Kumba comme le joueur l`affirmait dans ses anciennes interviews (la maman n`évoque que deux ans) avait fait bondir Marc Tsala. « II n`a pas pu dire ça, ce n`est pas possible, il n`y a jamais joué ! »
L`ancien international Victor Ndip Akem, à l`époque manager de Kumba, se souvient : « Au début 2002, Edel m`a été présenté par un oncle. Il est venu s`entraîner quinze jours avec nous. Il m`a présenté son acte de naissance, je lui ai fait sa licence. Et il a disparu. Il n`a même pas joué un match avec nous. » Puis, un brin affolé : « Pourquoi, il y a un problème ? » Ironiquement, au Cameroun, on parle d`« âge de Kumba ». Une expression pour signifier un âge tronqué, « coupé », parce que dans la ville de Kumba, anglophone, éloignée, vers la frontière du Nigeria, les changements d`état civil se négocient dans l`anonymat. Une pratique banale dans ce pays que ces falsifications d`identité, achetées pour quelques poignées d`euros.
Une pratique où excellerait la Fédération camerounaise de football, la Fécafoot, si l`on en croit Jean-Lambert Nang, ancien chef des sports de la télé camerounaise, ancien directeur général de la Fédération, dans un livre-brûlot titré : Desperate Football House. À la Fédération, écrit-il, le « tripatouillage » du fichier informatisé et la contrefaçon des licences et passeports, contre bakchich, seraient monnaie courante. Une chance pour ces joueurs prêts à tout pour échapper à leur condition. Un fléau pour les clubs et les autorités internationales. Ambroise Beyamena (ou Edel) est parti au Pyunîk Erevan en 2002 (…)
Françoise Iniza (L’Equipe)
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