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L´Obstiné Ngando Picket à deux doigts de la consécration (21.06.2010)
La célèbre mascotte des Lions indomptables et à deux doigts de la consécration si Puma le veut bien et s’il accompagne les Lions indomptables à la Coupe du Monde en Afrique du Sud.
Rien n’a donc changé. On peut toujours rencontrer Ngando Pickett au quartier Deïdo, non loin de la pharmacie de la Rive, à Douala. Au milieu des siens. Femme, enfants, musiciens et collègues troubadour. Tout ce beau monde est assis, comme toujours, dans la petite cour intérieure de la maison, véritable pièce commune. Le téléviseur est installé à la terrasse et balance les mêmes images. Que tout ce beau monde regarde davantage pour tuer l’ennui que pour prendre quelque plaisir. Il sera bientôt midi. Visiblement, rien ne bout nulle part. Et on ne sait pas si on a tartiné le matin. Enfin, c’est un peu sec. Rien n’a donc changé.
Et Ngando est assis à la petite table dont on ne sait pas quand elle a accueilli son dernier repas. N’en rajoutons pas. Débonnaire et placide, le maître des lieux conserve cette équanimité qu’on lui connaît. Bientôt, il sort de la poche de son pantalon une feuille de papier pliée. Une image qu’il a eue sur l’Internet. Avec lui dessus. Une photo prise à la station de métro « Filles du calvaire », station de la ligne 8 du métro de Paris. Celle qui tapisse les murs du métro parisien depuis quelques jours.
« Je n’étais pas au courant. Ce sont des Camerounais de Paris qui m’ont appelé pour me dire que mes photos étaient partout là-bas, qu’elles étaient dans les stations de métro, dans les bus et qu’on me voyait même à la télévision. Ils m’ont dit que c’est Puma qui avait fait ça. Je dis encore que je n’étais au courant de rien. J’ai vu celui qui s’occupe de moi pour ça. Et il y a des avocats qui ont promis de travailler dessus. Après ça, ils me tiendront informé. Mais Puma, c’est une grande firme. Ils savent ce qu’ils doivent faire. » Sans plus. Pour l’instant en tout cas.
Bon joueur, Ngando Pickett considère quand même qu’il s’agit déjà d’une fierté. Après tant d’années de « mascotterie », la reconnaissance est quand même arrivée. Peu importe que rien ne soit arrivé dans le sillage. « Je marche avec mon Dieu et grâce à lui, tout ira bien. » Amen ! La foi du charbonnier ? En attendant une opération du saint-esprit, les témoignages de solidarité fusent de partout. Ceux qui, largement les plus nombreux, ne faisaient pas attention à Ngando, lui proposent désormais leurs services. N’est-ce pas que le gombo arrive ? Et la mascotte des Lions indomptables a également bon espoir de prendre le chemin de l’Afrique du sud pour soutenir l’équipe de son cœur. Vivre la Coupe du monde, pour la première fois sur la terre d’Afrique, serait une consécration pour le supporter le plus haut en couleurs des footballeurs camerounais.
Bonadibong
Qui aurait prédit pareil destin au petit gars de Bonadibong, quartier populaire et quand même chaud de la capitale économique du Cameroun ? Né de « parents simples, ni pauvres ni riches », Ngando se souvient d’un détail significatif pour lui : « On mangeait tous les jours. On ne dormait jamais affamés ». Deuxième d’une fratrie de quatre gosses, Ngando était plutôt turbulent. D’ailleurs, il abandonne les études en classe de 4è alors qu’il fréquente le collège catholique Herbert de Souza, tout près de Douala. A cette époque, le jeune homme montre, à l’occasion, des talents de danseur. On l’affuble alors du flatteur sobriquet de Wilson Pickett, du nom de la star américaine, danseur hors pair et chanteur de soul et de rythm and blues des années 60 et 70.
A ces aptitudes artistiques s’ajoutent des capacités sportives. C’est même parce qu’il est passionné de football que Ngando fait définitivement l’école buissonnière. D’abord gardien de buts dans les championnats scolaires et les rencontres de quartier, il « décale », le mot est de lui, en défense. Son modèle à l’époque s’appelle Schwazzenberg, stoppeur allemand de la même cuvée que le kaiser Franck Beckenbaueur. Ce n’est pas du goût de papa Ngando qui n’hésite pas, bâton à la main, à chasser son fils des terrains de foot du quartier.
Il ne le chasse pas assez loin hélas. Ngando évolue bientôt dans le championnat des corpos. Le club Monoprix l’engage et le paye plutôt bien. Ce n’est pas assez. Ngando veut s’en aller. En Europe. Comme beaucoup d’autres, il met d’abord le cap sur l’Afrique de l’Ouest en
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1980. A Yamoussokro en Côte d’Ivoire, Ngando trouve une équipe. Avec l’argent gagné au bout de deux ans, il se souvient de son objectif et reprend la route. Direction, Bamako au Mali. Puis, le Sénégal, la Mauritanie, le Maroc et même l’Espagne. Ngando échoue malheureusement au port. Un imbroglio qu’il ne raconte pas se produit et le voilà renvoyé à la case départ.
Revenu au Cameroun entre 1985 et 1986, il devient encadreur technique au sein du Caïman de Douala. Cette fois encore, dès qu’il en a un peu mis de côté il repart. Cette fois, la route est plus longue et l’aventurier utilise tous les moyens à sa disposition. L’itinéraire est encore plus pittoresque : Douala, Kumba, Mamfé, Ekok, Lagos, Lomé, Accra… Et c’est au cours de ce voyage que Ngando se souvient d’un rêve qu’il aurait fait. « Je m’étais vu habillé comme je le fais aujourd’hui, avec mon short aux couleurs vert, rouge, jaune. » Légende ? Peut-être bien. Mais pour Ngando, le rêve est une révélation. « Je me suis dit que j’avais trouvé mon chemin. »
Mascotte
C’est donc au cours de son périple vers l’Europe, alors qu’il traîne en Afrique de l’Ouest en quête du bon plan, que Ngando met le cap sur le Burkina Faso. Le pays des hommes intègres accueille, début 1998, la 21è coupe d’Afrique des Nations. Les Lions indomptables sont de la partie et Ngando, lui, va vivre son baptême du feu. Ce sont les tailleurs de Ouagadougou qui lui coudront son gros caleçon. Le vert-rouge-jaune, il s’en peinturlure avec des craies de couleur. Ngando est né. Une horde de journalistes et des dizaines de caméras le pourchassent déjà. Très vite présenté au ministre des Sports de l’époque, Joseph Owona, Ngando devient la mascotte des Lions indomptables. « On n’avait jamais vu ça. J’avais émerveillé tout le monde. Le ministre Owona m’avait même donné une somme de 250 000 francs Cfa. »
Quelques mois plus tard, le Cameroun doit disputer la Coupe du monde en France. Ngando qui hésite, un temps, à revenir au Cameroun, s’y résout. Il sera d’ailleurs le premier à être retenu pour l’expédition hexagonale. Le supporter se réinstalle au Cameroun. Nouvelle Coupe d’Afrique en 2000. Il écrit au ministre des Sports pour demander à accompagner les fauves. Cette année, il n’y a hélas pas d’allocations pour Ngando, qui, entre-temps, s’est entouré d’un véritable groupe. Décidé à aller soutenir ses protégés, Ngando et ses compères mettent le cap sur le Ghana. Avec le soutien, se souvient-il, de l’actuel député Albert Dooh Collins. Le voyage par route les amène d’ailleurs à Calabar, au Nigeria, où le consul du Cameroun de l’époque leur déconseille de poursuivre leur route. Face à leur entêtement, il leur délivre tout de même une sorte de laissez-passer qui leur sera grandement utile.
Arrivés dans la capitale ghanéenne une nuit à deux heures, les gars roupillent à la belle étoile, tout près de l’hôtel des Lions indomptables et « en attendant leur réveil ». Un bus sera quand même affrété dont Ngando et les siens profiteront pour aller vivre la finale de la compétition à Lagos au Nigeria. Dans l’antre de Surulere, Ngando est l’un des rares Camerounais a affiché ses préférences. Les autres, couards, rasent les murs. Ngando a donc droit à des jets d’urine, à des coups de poing et autres vexations dont seuls nos amis nigérians ont le secret dans les terrains de football chez eux.
Des vexations, Ngando en connaît encore lors de la Can au Mali. Soutenu par une entreprise brassicole, son groupe et lui se rendent quand même au pays de Salif Keita. Les Lions sont basés à Sikasso. Lorsqu’il faudra rejoindre Bamako pour la suite de la compétition, le bus affrété par les autorités camerounaises leur est refusé. Ils se débrouillent et atteignent la capitale. Pour tomber dans les mains des gendarmes qui confisquent leurs instruments de musique, les chassent loin du stade. Ngando passe pour être le sorcier des Lions et verra le match Mali-Cameroun à la télévision. 3-0 pour les Lions. Son manager, Pierre Tatnou révèle plutôt que Ngando avait été gardé en cellule le temps du match. Des années plus tard, contre l’avis des autorités, il s’est rendu dans des pays où les Lions indomptables devaient jouer des rencontres à hauts risques. Et quand on le voit vivre à Douala, sa ville natale, il est difficile de dire que c’est une question d’argent. De la passion et de l’obstination aussi.
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