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Yvonne Leuko, défenseuse du Cameroun : «Ma soeur aînée venait me sortir du bus lorsque je voulais aller m´entraîner» (10.06.2019)
A l´occasion de l´entrée en lice de sa sélection, la Camerounaise Yvonne Leuko, qui évolue à l´ASP Vauban, a accordé un entretien à FF.fr. Elle y évoque notamment la Coupe du monde, le football féminin et son parcours dans son pays.
«Yvonne, dans quel état d´esprit attaquez-vous cette Coupe du monde ?
On est sereines, on va essayer d´aller le plus loin possible. Le moral est vraiment très haut, la pression commence à monter tout doucement.
Seize joueuses de la sélection étaient déjà au Canada lors de la précédente Coupe du monde. Le Cameroun a-t-il besoin de cette expérience pour aller loin ?
Je pense même que c´est notre atout premier. Le fait qu´on a des filles dans le groupe qui ont déjà participé à une Coupe du monde, c´est important. La première fois, on était des novices, on voyait ce qu´il se passait et on a beaucoup appris de tout ça. On a un effectif assez mature, mais on a aussi des nouvelles filles qui sont là pour nous rappeler tous les jours qu´il faut travailler pour garder notre place dans le groupe. Les nouvelles méritent d´être là et veulent faire partie des titulaires. Ce mélange nous permet de garder un esprit de compétition et d´être concentrer sur l´objectif.
Justement, quel est l´objectif ?
Si on est revenues en Coupe du monde, c´est pour faire mieux qu´en 2015. On était allées en huitièmes de finale, donc on veut aller plus loin cette fois-ci.
A quoi ressemble le football féminin au Cameroun ?
Encore plus depuis que j´ai un regard extérieur, je vois que c´est très difficile d´être joueuse. Les autorités essayent tant bien que mal de mettre des moyens et d´organiser un Championnat (celui-ci a vu le jour en mars 2018, NDLR). C´est difficile car au niveau des infrastructures, de l´encadrement des filles, ce n´est pas toujours optimal. Il y a des présidents qui mettent de leur propre argent pour permettre à ces filles-là de faire des tournois ou de participer au Championnat.
Quel a été votre parcours au Cameroun ?
J´ai commencé avec des garçons, et un jour, un entraîneur m´a dit qu´il y avait aussi une équipe de fille. Mais il a trouvé que le niveau n´était pas assez bon pour que je puisse m´exprimer. Donc je suis partie dans une équipe mieux structurée, le Justice de Douala. Par la suite, lors d´un tournoi, le sélectionneur des U17 camerounaise est venu me voir et j´ai été appelée en sélection. Puis un recruteur m´a repérée. Au Cameroun, je jouais sur un terrain stabilisé et il m´a dit : «Arrête de jouer dans la poussière, tu as toutes tes chances pour avoir un contrat en Europe. Je vais te faire signer en Europe.» J´ai cru que c´était une blague. Mais il m´a envoyé une invitation du club allemand de Iéna, et c´est comme ça que j´ai rejoint l´Europe.
Tout n´a pas toujours été simple pour vous...
J´ai perdu mes parents très tôt, je vivais
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avec sœur aînée qui était catégorique : je ne pouvais pas faire de foot. Ce n´était pas une question de sexisme, elle me disait surtout : «Si tu te blesses, qui s´occupera de toi ?», parce qu´il n´y avait pas d´assurance. Elle venait carrément me sortir du bus lorsque je voulais aller m´entraîner ! (rires) Donc des fois, je marchais un kilomètre plus haut que l´arrêt de bus pour pas que ma sœur me repère. Je n´ai pas lâché. Un jour, une voisine est venue lui dire que j´étais plutôt douée à l´école, que si j´arrivais à passer mon BEPC, il fallait qu´elle me laisse faire du foot. Finalement, elle a été convaincue quand le président du Justice est venu chez moi. Il lui a dit : «Ecoute, je prends sur moi la responsabilité s´il lui arrive quelque chose.»
On peut vivre du football féminin au Cameroun ?
Ah non ! Et je ne pense pas que ça a évolué... Quand je parle avec certaines qui sont encore là-bas, on comprend bien que les moyens ne sont pas conséquents. Certains présidents promettent des choses aux jeunes et ne les donnent pas, du coup ils doivent se réorienter vers d´autres clubs pour essayer de survivre. Il y en a même qui sont obligés de prendre des doubles licences.
Même une fois que vous êtes arrivée en France, vous avez poursuivi vos études. A quel point c´était important pour vous ?
J´ai vu des gens qui avaient de l´avenir dans un sport et qui ont été obligés d´arrêter à cause d´une blessure ou d´une maladie. J´ai vu des joueuses qui s´étaient fait les croisés à l´entraînement et qui n´ont pas réussi à revenir. Moi, s´il m´arrivait quelque chose comme ça, qu´est-ce que je deviendrais ? Sachant d´où je viens, j´ai intérêt à avoir un petit bagage pour plus tard ou si un accident devait m´arriver. Mais je ne me le souhaite pas ! (rires)
La plupart des joueuses de la sélection camerounaise évoluent en Europe. C´est une force pour vous ?
Oui. Le football africain est très physique, mais quand vous regardez le match de la France vendredi par exemple, il y a très peu de contacts, ça joue technique, il y a moins de déchet, ça se déplace bien. C´est un football rapide mais avec moins de duels physiques, donc pour nous qui jouons en Europe, on est habituées à ce style-là. Ça ne peut être qu´un atout pour nous. Après, s´il faut mettre la dimension physique aussi, on peut le faire.
Vous allez jouer deux matches à la Mosson à Montpellier, où il y a une relation très forte avec le Cameroun. Vous y pensez ?
Je pense que ce n´est pas anodin si on est arrivées à Montpellier. Il y a une forte communauté, il y a un partenariat au MHSC, il y a des grands joueurs qui ont évolué ici. J´espère qu´il y aura du monde, et que ça va nous porter chance ! »
Propos recueillis par Antonin Deslandes
https://www.francefootball.fr/
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