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Anatole Christian Abee : Le bouc émissaire reste confiant (16.10.2006)
Son limogeage de la tête de l’équipe nationale de football des cadets n’enlève rien à ses états de service.
Priscille G. Moadougou
"Que celui qui me tue, ne reste pas mourir" Les paroles d’une chanson de l’artiste Longuè Longuè sont reprises par un jeune homme du quartier Anguissa à Yaoundé, le 22 septembre 2006. Assis sur une chaise de fortune d’un bar ce soir-là, il dodeline de la tête, en buvant une bière. Une fois de plus, il répète les paroles de la chanson. C’est à ce moment qu’on se rend compte qu’il s’adresse à Anatole Abee, l’ancien encadreur des Lions cadets. Avec quelques amis, ce dernier a en effet pris place à la véranda de la gargote. A l’intérieur, un autre monsieur s’exclame : "Mais on est même dans quel pays ? Comment peut-on relever de ses fonctions un entraîneur après le match aller. Au lieu d’attendre le match retour pour prendre une décision ?"
Anatole Abee a en effet été relevé de ses fonctions une semaine plus tôt, après la défaite concédée par ses poulains le 17 septembre 2006 au stade Ahmadou Ahidjo face aux Centrafricains (0-1). L’initiateur de sa déchéance est Philippe Mbarga Mboa, celui qui était encore, jusqu’au vendredi 22 septembre 2006, le ministre des Sports et de l’Education physique. Il a été remplacé à ce poste par Augustin Edjoa, le proviseur du lycée Leclerc de Yaoundé, qui habite également le quartier Anguissa. La plupart des personnes qui se retrouvent dans les bars de ce quartier savourent la nomination de leur "voisin".
C’est pratiquement la même ambiance, à quelques exceptions près, qui a prévalu au carrefour des lycées de Nkolndongo et Anguissa en mai 2005. Cette année-là, l’équipe nationale cadets avait remporté la coupe d’Afrique des Nations de la catégorie à Mbabane au Swaziland. "C’était la folie dans les rues de mon quartier, quand nous avons fait le tour de ville. L’enfant prodige était de retour avec des lauriers", se souvient Anatole Abee. Bien avant le tour de ville, il y a surtout eu la réception au palais de l’Unité. "Etre décoré et embrassé par le chef de l’Etat, sont des moments inoubliables dans la vie d’un fonctionnaire", poursuit l’entraîneur. Les photos de cette cérémonie sont d’ailleurs accrochées sur les murs du salon de son domicile. On peut ainsi le voir, recevant une accolade du président Paul Biya, ou recevoir de lui sa médaille. "Si je profitais des joueurs comme le disent beaucoup de personnes, j’aurais construit un duplex, au lieu d’être en location. Je ne m’accroche pas aux biens matériels, mes enfants sont ma principale richesse ", commente-t-il. Son épouse, Françoise, lui en a donné cinq.
Défaite
Il n’aurait pourtant jamais connu cette ambiance festive, après avoir trébuché à Libreville le 22 décembre 2002 lors du match aller des éliminatoires de cette compétition. La sélection nationale qu’Anatole Abee dirige venait d’être battue par celle du Gabon à Libreville (0-1). "Quand nous sommes revenus au Cameroun, le ministre de la Jeunesse et des Sports de l’époque, Bidoung Mkpatt, m’a demandé ce qu’il fallait pour qu’on renoue avec les victoires. Je lui ai tout simplement dit qu’il nous fallait des moyens aussi bien matériels, financiers qu’humains. Et il nous les a donnés", raconte le héros de Mbabane. "Après notre défaite face aux Centrafricains à Yaoundé, le 17 septembre 2006, je m’attendais à ce que les responsables du ministère des Sports et de l’Education physique nous demandent ce qu’il fallait pour qu’on gagne le match retour. J’ai plutôt été limogé de mes fonctions. En un jour, ils ont oublié tout ce que j’avais fait pour le football camerounais", lance-t-il, amer.
Sur le départ de son "bourreau" du gouvernement, Anatole Abee préfère cependant ne rien dire, et revenir sur l’aventure victorieuse des Lions cadets il y a quatre ans. D’abord lors des éliminatoires, puis lors de la compétition proprement dite. C’est ainsi qu’une fois les moyens mis à sa disposition, Anatole Abee se sépare de quelques joueurs "peu performants". Il ira ensuite à la recherche de quelques talents à travers le pays. Et, c’est pratiquement une nouvelle équipe qui recevra le Sénégal quelques mois plus tard au stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé. Avec, au bout, une première victoire (1-0). Trois semaines après, à Dakar, les coéquipiers de Landry Nguemo imposent un match nul aux Sénégalais (0-0). Un résultat suffisant, qui permet aux Lionceaux de participer à la Coupe d’Afrique des nations (Can) de leur catégorie. "C’était l’occasion ou jamais d’être à la Une. La qualification acquise pour Swaziland 2003, je savais néanmoins que le plus dur reste
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à faire", poursuit-il, avec un brin de fierté dans le regard.
Pour préparer l’expédition, les poulains d’Anatole Abee bénéficieront de trois stages. Le premier, réservé aux joueurs locaux, s’est déroulé à Garoua. Alors que le second, regroupant les professionnels, a eu lieu en Egypte. Quelques semaines avant le départ pour le Swaziland, le dernier stage s’est tenu à Ombé, dans la province du Sud-ouest. Il concernait les joueurs qui s’étaient distingués au cours des deux précédents regroupements. "C’est ce travail effectué en aval qui nous amènera à remporter la coupe d’Afrique des nations. Pour gagner une compétition de cette envergure, il faut se préparer. Il est impossible de gagner la Can dans l’improvisation", précise-t-il.
Champions d’Afrique
Sur place à Mbabane, les Lionceaux perdent le premier match face aux Nigeria (0-1). "Malgré cette défaite, nous sommes devenus champions d’Afrique, en battant aux prolongations la Sierra Leone en finale. En faisant le décompte, on constate que, chaque fois que nous abordons un tournoi, nous perdons toujours sur le score de 1 but à 0. Et les victoires suivent toujours. C’est ça le plus important. Qui dit que ça n’allait pas se reproduire à Bangui ? Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de rage", dénonce Anatole Abee.
Encouragé par le trophée ramené de Mbabane par les poulains d’Anatole Abee, l’ancien ministre Bidoung Mkpatt ne lésinera pas sur les moyens à mettre à leur disposition.
Puisqu’il est question de défendre le drapeau en Finlande, à la coupe du monde de la catégorie. Et, surtout, de démontrer que cette consécration en terre africaine n’a pas été usurpée. Une fois de plus, les joueurs entreront en stage, d’abord au Cameroun, puis à Stuttgart en Allemagne, avant de rallier la Finlande. "Nous sommes loin d’avoir été ridicules en coupe du monde. Au contraire, quand nous avons été éliminés au premier tour, l’entraîneur brésilien laissera éclater sa joie. C’est d’ailleurs le Brésil qui a gagné ce tournoi", reconnaît-il. Ses poulains s’étaient comportés comme leurs aînés au mondial 1982 en Espagne, en enregistrant trois points en autant de matchs: face au Yémen (1-1), devant le Brésil (1-1), alors qu’ils jouent à 9 contre 11 et contre le Portugal (5-5). Les lionceaux étaient pourtant menés sur le score de 5 buts à 0…
Accident
Après cette "belle aventure", Anatole Abee reprend le chemin de la détection des talents à travers le pays, en vue de préparer le tournoi 2005. Malheureusement, de retour d’Ebolowa le 26 septembre 2004, il est victime d’un accident de la circulation à bord de son véhicule. C’est donc dans sa convalescence qu’il suivra l’élimination des champions en titre en novembre 2004 par le Burkina Faso. Après 6 mois d’inactivité, Anatole Abee recommence néanmoins à voyager à travers le pays, en mars 2005.
Celui qui est fier d’avoir découvert les joueurs comme Landry Nguemo, Serge Ngal, Alexandre Song Bilong, Joseph Mawaye, Momo, Eyenga ou encore Mbondoa, etc. est certain que les dirigeants du ministère des Sports et de l’Education physique lui confieront une autre responsabilité dans l’encadrement d’une sélection nationale, à 44 ans. Peu importe la catégorie. Cependant, il a une réticence à travailler avec les femmes. C’est d’ailleurs les lionnes qu’on lui propose d’encadrer quand on le contacte pour la première fois. Il indique aussitôt son refus. Grande a donc été sa joie quand il apprend qu’on lui a finalement confié l’équipe nationale cadets, le 16 juillet 2002.
A cette époque, il est le directeur technique de Semences olympiques, une école de formation de football basée à Yaoundé, qui s’occupe des catégories poussins, minimes, benjamins et cadets. Son départ de cette école ne l’empêchera cependant pas de continuer à apporter ses conseils aux pensionnaires de Semences olympiques. Une expertise acquise grâce à sa formation de professeur d’éducation physique et sportive, option football, à l’Institut national de la Jeunesse et des Sports (Injs) de Yaoundé. Puis, suivra un stage d’entraîneur effectué en Allemagne à Henrief, une localité située à quelques kilomètres de Cologne.
Repères
Anatole Christian Abee
44 ans
1989, Diplômé de l’Institut national de la Jeunesse et des Sports, option professeur d’Education physique et sportive
1999, stage d’entraîneur à Henrief (Allemagne)
1999, Directeur technique de Semences Olympiques
2002 (16 juillet) nomination à la tête de la sélection nationale cadets de football
2006 (18 juillet) limogeage de la tête de la sélection nationale cadets de football
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