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Issa Hayatou: "La CAN a le même niveau que l’Euro" (07.03.2008)
Propos recueillis par Brice MBEZE
Issa Hayatou, président de la Confédération africaine de football (CAF).
Monsieur le président de la CAF, la 26ème édition de la CAN vient de s’achever au Ghana, quel bilan faites-vous de cette compétition ?
Ma voix ne peut que compléter les avis que nous avons eus ça et là. Partout, dans le monde, c’est la grande satisfaction. Tout le monde reconnaît que la dernière CAN a été organisée de mains de maître. Sur un plan purement technique, cette CAN est comparable à l’Euro. Les joueurs africains se sont surpassés. J’ai les statistiques. 205 footballeurs africains évoluant en Europe ont participé à la CAN. Sur les 205, 100 au moins sont titulaires dans leurs clubs. Ce qui signifie qu’ils sont préparés et aguerris. Cela a donné un éclat à la CAN. Nous pouvons dire que sur le plan technique, tactique, sportif pur, c’est la grande satisfaction. Les grands entraîneurs comme Mourinho qui était au Ghana l’ont reconnu. Sur le plan populaire, elle a connu un grand succès. Le ministre français des Sports, pour ne prendre que son exemple, était là. La dernière CAN a donné une très bonne image de l’Afrique.
Dans quelques jours, vous allez fêter vos 20 ans à la tête de la CAF, quel regard portez-vous sur votre œuvre ?
C’est une question à laquelle j’aurais du mal à répondre. C’est à vous d’élaborer le bilan. Ce n’est pas à moi de vous dire ce que j’ai fait. je crois que cela relève du rôle de la presse. Cela dit, tout ce qu’on a proposé pendant la campagne, on l’a réalisé. S’il nous reste une chose, c’est d’organiser et de gagner la coupe du monde. Nous l’avions dit à l’époque, dans le programme que j’avais présenté à l’Assemblée générale de Casablanca qu’on allait restaurer la crédibilité de la CAF, augmenter ses ressources, réformer, multiplier les compétitions, élargir notre champ d’action vis-à-vis des autres confédérations et de la FIFA. Nous avons obtenu ces résultats, même si l’Afrique n’a pas encore gagné la coupe du monde. Cela dit, la promesse que j’avais faite, celle de voir l’Afrique organiser la coupe du monde, est en train de se réaliser. Dieu m’a aidé, l’Afrique du Sud organisera le prochain Mondial. Que je sois à la tête de la CAF ou non, le continent africain organisera la coupe du monde en 2010. Je pense qu’à l’exception de cette coupe du monde que nous n’avons pas gagnée, nous avons réussi à faire le maximum. Quand je suis arrivé à la CAF, j’avais trouvé dans les caisses 1 million 263 mille dollars (NDLR : la conversion en francs Cfa dépend de la valeur du dollar en ce moment là. La somme trouvée oscillerait entre 600 et 700 millions de F Cfa environ). Aujourd’hui, notre compte oscille entre 40 à 50 millions de dollars en dépôt (NDLR : en partant sur une hypothèse de 45 millions de dollars, la CAF pourrait avoir dans ses caisses 20 milliards de F Cfa environ) sans compter ce que nous utilisons quotidiennement pour travailler. Vous devez voir à travers cela seulement, la grosse différence qu’il y a. A notre arrivée, la CAN était organisée avec huit pays, nous sommes à seize nations aujourd’hui. Nous avons multiplié les compétitions. On a créé la CAN féminine, la phase finale des Juniors, des Cadets. Ceci n’existait pas. Quand je venais, il y avait deux grandes compétitions, la grande CAN et la phase finale des Juniors. On vient même de créer une autre compétition, le Championnat d’Afrique des nations (CHAN), pour permettre aux footballeurs évoluant sur le continent de s’exprimer.
Quelle image forte gardez-vous de ces 20 ans ?
Quand je venais, il y avait deux équipes africaines en phase finale de coupe du monde. Aujourd’hui, nous sommes cinq. Six en 2010 avec l’Afrique du Sud comme pays organisateur. Mais le quota de l’Afrique est de cinq. Je sais ce que nous avons fait pour obtenir ces cinq places. ça me réjouit. Il faut savoir que c’est la coupe du monde qui permet particulièrement aux équipes européennes et américaines de vivre entre deux éditions. C’est pour cela qu’elles ne veulent pas lâcher du terrain. En nombre, l’Afrique est deuxième derrière l’Europe (13). L’Amérique du Sud a quatre représentants. Nous avons réussi à faire de la CAF une institution enviée et enviable par tous. En plus, la CAN n’a jamais connu un retard depuis sa création.
Avez-vous encore en mémoire certaines péripéties de votre élection ?
Au premier tour, mon concurrent (NDLR, le Togolais Godefried Ekué) avait eu 16 voix. Et moi 13. Seules 41 fédérations avaient répondu présent. La majorité était de 21 voix. Ce qu’aucun d’entre nous n’a eu au premier tour. Le deuxième tour s’est terminé par une égalité parfaite. On avait été départagé au troisième tour. Je ne sais par quel miracle le vote avait
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basculé. J’avais eu 22 voix, contre 18 pour mon concurrent. Je suis à la CAF depuis 1982. Je suis entré au Comité exécutif en 1986 à la place du Pr René Essomba. A la mort de Tessema en 1987, le Cameroun avait présenté ma candidature. J’ai été élu dans ces conditions que je venais de vous décrire. Certains avaient même pronostiqué que je n’allais pas mettre quatre ans.
Les observateurs font remarquer que la CAF accorde plus d’attention à la CAN et néglige quasiment les coupes d’Afrique des clubs…
Ce sont les gens qui le disent. Quand nous jouons les compétitions inter clubs en Afrique, les coupes d’Europe des clubs se jouent au même moment. Les Africains préfèrent regarder la Ligue des champions d’Europe à la télévision. C’est tout à fait normal. Les efforts sont faits au niveau de la CAF pour que nos compétitions soient bien suivies. Pour ce qui est de la CAN, la CAF met le paquet en collaboration avec les Etats. Ce qu’ils ne font pas pour les clubs. J’ai entendu le président de la Fédération camerounaise de football décrier que les clubs camerounais en compétitions africaines n’ont rien. Or, l’Etat du Cameroun a mis beaucoup d’argent sur son équipe nationale lors de la dernière CAN. Le Ghana, par exemple, a mis le paquet pour organiser sa CAN. Il a construit quatre nouveaux stades, même Accra et Kumasi ont été rasés. L’Angola est en train de préparer sa CAN. Elle va injecter 600 millions de dollars dans l’organisation de la CAN 2010. L’apport des Etats est très, très significatif en ce qui concerne la CAN. Ce qui n’est pas le cas pour les clubs, peut être parce que ce sont des entités privées. C’est pour cela que les clubs d’Afrique du Nord font la différence. Ils ont plus de moyens. Au niveau des équipes nationales, la tendance est soit égale, soit renversée parce que les moyens viennent des Etats. En Afrique, le volume d’argent que les Etats mettent dans la pratique du football est important. Sans l’appui des Etats, il n y aurait pas de sport en Afrique.
En 2010, l’Afrique organisera pour la première fois une phase finale de coupe du monde. Vous présidez d’ailleurs le Comité d’organisation de cet événement. Mais en 2009, vous remettez en jeu votre mandat. De plus en plus, une sourde contestation monte des rangs. Avez-vous peur de cette élection ?
C’est la nature humaine. Les gens peuvent contester. Ça n’empêche pas que quand les élections arrivent, je passe avec 90, voire 95%. La meilleure façon de contester, c’est de venir et se faire élire. En 2000, il y avait un candidat au Ghana, il a eu cinq voix et moi 47. Le président de la fédération comorienne n’était pas venu. En 2004 en Tunisie, il y avait eu un autre candidat (NDLR, le Botswanais Ismaël Bhamjee) contre moi. J’ai eu 47 voix, contre 6. Si je suis élu, je ne sais à quel moment je dois lâcher parce que j’ai été nommé président du Comité d’organisation de la coupe du monde. Est-ce qu’après 2010, je dois démissionner ? Est-ce que je dois encore attendre un peu ?
Cela ne sera pas-t-il pas le mandat de trop ?
Pourquoi le mandat de trop ? Si je n’avais plus l’énergie nécessaire, je ne briguerais pas un autre mandat. En plus, la coupe du monde 2010 en Afrique est une motivation supplémentaire. Mais le mandat que je brigue est le dernier. C’est tout à fait normal que je sois fatigué. 20 ans, Ce n’est pas quand même 20 mois ou 20 jours.
Allez-vous fêter vos 20 ans à la tête de la CAF ?
(Rires). Je n’ai jamais fêté mon anniversaire pour tout vous dire (NDLR : il est né le 9 août 1946). Mais, je suis à la tête d’une équipe. Si elle me recommande de le faire, alors, je le ferais avec joie et plaisir.
L’épisode de 2002 reste néanmoins une tâche dans votre riche carrière. Avez-vous déjà oublié votre échec aux élections à la présidence de la FIFA ?
Je ne regrette pas d’avoir été candidat en 2002. J’ai échoué. C’est mon destin. Il n’a pas été de mon côté. Ce n’est pas la fin du monde. La nature est ainsi faite. Je suis fier de travailler avec Blatter. Nous travaillons la main dans la main. Il m’a beaucoup aidé. Le président Blatter a donné beaucoup de moyens aux 53 fédérations africaines.
Pour terminer, que vaut le trophée à la CAN ?
Le trophée n’est pas primé en tant que tel. Mais avec nos sponsors, nous remettons quelque chose aux seize équipes au prorata du chemin parcouru. La somme reçue est proportionnelle au parcours de chaque équipe. C’est un principe universel dans le football. Ce que nous faisons, c’est ce qui se fait au niveau de la FIFA, de l’UEFA…La CAF ne donne pas l’argent au vainqueur de la CAN !
N.B : En 2002, le champion d’Afrique avait reçu 100 millions de F Cfa. Depuis lors, ce chiffre a sensiblement augmenté.
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