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SCANDALE FIFA / FECAFOOT / PUMA : LE GANG AUX ABOIS (28.04.2004)
Le chef de l’Etat qui joue une partie de sa survie politique à travers une éventuelle suspension de la sanction de la Fifa contre les Lions indomptables, aurait déjà prescrit des poursuites judiciaires contre les indélicats dirigeants de la Fecafoot et l’ex-Minjes. Issa Hayatou, le président de la Confédération africaine de football (Caf) et vice-président de la Fifa, appelé à jouer un rôle probant.
C’est dans une désolation visible que beaucoup ont constaté, mardi 20 avril dernier à Yaoundé, que le ministre Pierre Ismail Bidoung Mkpatt reprenait, paradoxalement, les rênes de la situation après le scandale de la récente sanction, par la Fédération internationale de football association (Fifa), de l’équipe nationale de football fanion. Lorsque ce dernier, narguant littéralement ses contempteurs, installait sa soi-disant “ Commission d’appel ” de la décision de la Fifa, on croyait assister à un remake de l’impunité d’après la débâcle de la coupe du monde Corée/Japon 2002. D’autant que, initiant cette énième maladresse, le Minjes se targuait d’un calendrier suicidaire : tenue d’une séance de travail avec l’équipementier controversé dès le mercredi 21 avril 2004 ; envoi à Zurich, le jeudi 22 avril 2004, des experts membres de la “ Commission d’appel ” aux fins d’élaborer et de déposer le mémoire de défense du Cameroun au plus tard le lundi 26 avril ; conférence de presse de l’équipementier allemand Puma, le 22 avril à 10 heures, dans la salle de conférences du Minjes ; le secrétaire général de la Fecafoot chargé d’informer la Fifa de l’arrivée des membres de la “ Commission ” ; séance de travail de synthèse le mercredi 21 avril au cabinet du Minjes à 21 heures…
Bavardages. Un programme d’actions comportant, selon des commentaires avisés, les germes de son échec. D’abord, au delà des bavardages entendus et lus çà et là sur de précédentes jurisprudences défavorables à la Fifa auxquelles il fallait s’inspirer, une “ Commission d’appel ” avec une forte présence d’avocats fut une stupidité : “ La Fifa n’est pas un tribunal ”, s’esclaffait-on à Yaoundé. Bien plus, la “ Commission ” devait aggraver la situation parce que seule une réponse politique forte et une vraie transaction pouvait peut-être ramener le débat sur la table.
Autre moment incongru : la conférence de presse finalement bricolée dans les locaux du Minjes par Hörst Widmann, l’inattendu directeur général adjoint de la firme Puma, l’équipementier des Lions indomptables. Une nouvelle gaucherie qui, à elle seule, traduisait la suspecte collusion entre les officiels camerounais et l’équipementier privé qui torpillait les orientations de la Fifa en promettant de payer les sanctions les plus lourdes. Pour saler l’addition, celui-là même qui a été chargé d’informer la Fifa de l’arrivée de la délégation camerounaise à Zurich, le secrétaire général de la Fecafoot, Jean-René Atangana Mballa, ne pouvait qu’y être indésirable, lui qui ne manquait pas d’affirmer que la sanction de la Fifa n’existait nulle part dans les textes statutaires de l’organisation…
Mais tout est bien qui finit mal : le chef de l’Etat, Paul Biya, à qui l’on a transmis le dossier à Etoudi lundi dernier, de retour de Mvomeka’a, y joue sa campagne présidentielle. D’où le remaniement ministériel surprise de vendredi dernier. Avec pour objectif principal le départ immédiat du très encombrant ministre de la Jeunesse et des Sports, Pierre Bidoung Mkpatt, l’inamovible “ oncle ” de Chantal Biya. Le programme d’action bidon et la “ Commission d’appel ” ont été annulés de jure et facto. Les appelés ont disparu comme par enchantement, alors que les derniers fidèles du “ Mini Pam Pam ” éclataient en sanglots. Le palais, comme à l’accoutumée, opte pour un vrai lobbying. Il le sait, il faudrait pour ce faire sanctionner exemplairement l’équipe qui a organisé le bras de fer assassin.
Sollicité pour conseils aussi bien par la présidence de la République, les services de renseignement – notamment le directeur général de la recherche extérieure, le commissaire divisionnaire Bienvenu Oubelabout -, que par l’équipe en difficulté du Minjes, le président de la Confédération africaine de football (Caf), Issa Hayatou, a parcouru la capitale avant de rejoindre son Garoua natal. Selon des proches, il a toutefois été sans équivoque dans cette affaire : la Fecafoot aurait dû saisir la balle au bond lorsque la Fifa était encore au stade de ses rappels à l’ordre écrits – le tout dernier en date n’a même pas fait l’objet d’une réponse du président de la Fecafoot. A ce stade, il eut été possible pour le Camerounais Issa Hayatou et son ami, le président Joseph Sepp Blatter, d’intercéder pour sauver les entêtés. Mais tout est devenu trop compliqué. La commission de discipline de la Fifa est, contrairement aux us africains, une instance totalement indépendante dans ses délibérations. Et donc hors de contrôle politique.
Dans l’entourage de Issa Hayatou où l’on rit de l’argutie de la guerre des équipementiers évoquée pour faire diversion au Cameroun. Et l’on en apprend davantage sur la question : la Fifa a pris tout son temps avant de décider, devant le mépris des dirigeants camerounais, de transmettre le dossier de la Fecafoot à l’instance de décision. En fait, c’est le président de la Caf qui, il y a quelques années, avait présenté aux responsables de la Fecafoot le régisseur de la Caf, Jean Claude Darmon, ainsi que l’équipementier
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allemand Puma. La norme a duré jusqu’au moment où la Fecafoot a amorcé une phase de contrats controversés et de rapports spécieux.
En outre, le groupe aurait géré environ 10 milliards de francs Cfa en dix ans et se serait vu offrir par la Fifa le siège de la Fecafoot à Yaoundé que le président Iya Mohammed brandit comme étant une réalisation de son équipe. Enfin, certains responsables de la Fecafoot ont eu, en plus des virements, un visa de long séjour où ils se seraient vu construire une résidence…
Limogeage. Du coup, il fallait que le chef de l’Etat s’occupe personnellement du dossier dont la suite logique serait une mise en examen des responsables de la Fecafoot. Le communiqué du secrétaire général de la présidence de la République, Jean-Marie Atangana Mebara, qui a suivi le limogeage du chef de département du football, le 13 avril, annonce sans équivoque le rouleau compresseur. “ Par ce texte, indique le communiqué, le chef de l’Etat a voulu d’une part sanctionner certaines insuffisances, d’autre part accroître l’efficacité de l’équipe gouvernementale. En outre, il a prescrit l’envoi d’une commission d’enquête à la Fecafoot ainsi qu’une relecture rapide des statuts de cette association, préalable à de nouvelles élections ”. Un émissaire dont on n’a pas communiqué le nom a déjà été dépêché à Zurich où, de concert avec l’action du vice-président camerounais de la Fifa, il s’agira de négocier une transaction de la sanction sportive arrêtée vers une condamnation des seuls dirigeants de la Fecafoot et le paiement de l’amende de plus de 80 millions de francs Cfa.
C’est que, tous les “ services ” se sont mis, comme un seul homme, sur l’enquête autour de cette affaire devant normalement aboutir à des poursuites au secrétariat d’Etat à la Défense (Sed) dès ce matin. Certains poussent déjà l’audace jusqu’à l’inquisition sur les biens des principaux protagonistes de la Fecafoot.
Ainsi, au moment où le Premier ministre, Peter Mafany Musonge, reçoit Bidoung Mkpatt pour lui annoncer les nouvelles instructions du chef de l’Etat au matin de son limogeage – et il semble qu’il en est surpris -, il a auparavant transmis ce qu’il a recueilli quelques jours plus tôt.
Selon des informations exclusives de La Nouvelle Expression, le chef de l’Etat camerounais a personnellement demandé à prendre connaissance du contrat entre la Fecafoot et la firme Puma. Un contrat qui n’aurait pas encore été traduit officiellement, et qui n’a pu, dans un premier temps, faire l’objet d’une exploitation. La Dgre aurait été immédiatement chargée de sa traduction. Etonnemment, en tout cas, de l’homme lion qui demande également à en savoir sur l’affaire Winfried Schäfer, l’inamovible allemand des déconvenues… Moult questions sans véritables éclairages.
Sur le contrat avec la firme Puma, l’on apprend que la valeur marchande montante de l’équipe nationale camerounaise n’a eu aucun effet sur les clauses, contrairement à ce qui se passe ailleurs. Ce fut le cas de performances comme l’accession à la récente finale de la coupe des Confédérations en France. C’est le statu quo. Plus grave, le gouvernement a continué à payer rubis sur ongle les primes et le transport des joueurs de l’équipe nationale à la demande du Minjes alors que, d’après des indications, plusieurs milliards de francs Cfa ont été mis à disposition par l’équipementier pour ce faire. Dans certains comptes bancaires de responsables de la Fecafoot, affirme-t-on dans les milieux de la police, les enquêteurs auraient découvert des sommes faramineuses alimentées à partir de virements en provenance de banques allemandes…
Compte bancaire. Dans cette enquête, l’on n’avait encore rien collecté sur le ministre Bidoung Mkpatt jusqu’à ce que, révèle-t-on, l’on ait eu l’idée d’aller visiter certains comptes bancaires de son épouse…
L’on en est donc là. La commission d’enquête annoncée par le secrétaire général de la présidence devrait prendre corps au cours de la semaine qui commence. Elle va aussitôt se mettre à l’œuvre afin de donner certains gages à Zurich. Il fallait au préalable que l’équipe sortante organise certains matches de coupe d’Afrique. Des indications confidentielles citent déjà, parmi les membres de la commission, l’ancien gardien international Joseph Antoine Bell. L’ambassadeur Roger Milla devrait quant à lui rejoindre les négociateurs de Zurich.
De leur côté, les responsables déchus de la Fecafoot, piégés par la directive sur le nettoyage des textes statutaires de la fédération, multiplient les démarches pour se justifier ou pour gagner du temps, compte tenu de la faiblesse avérée de l’argument de la guerre des équipementiers – la Fifa n’ayant jamais demandé de changer de fabricant de maillots, mais de se conformer aux équipements fournis à tous les autres cocontractants de la firme allemande. Le chef d’état-major particulier du président de la République, le général Blaise Bénaé Mpecké, et Gregoire Owona, le ministre chargé de mission de la présidence de la République, auraient déjà été approchés dans cette affaire que le seul lobbying local n’arrêtera plus. On bosse donc nuits et jours dans le groupe Iya où le sommeil pourrait devenir une denrée rare. Mais la survie n’est plus évidente. Car, pour des besoins électoraux et d’équilibre d’un régime financièrement exsangue et politiquement aux abois, le rouleau compresseur devra obligatoirement faire des victimes.
Jean Marc SOBOTH
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