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Martinien Tega : L’«Africain» du Tour du Faso. (15.11.2003)
Bertille M. Bikoun
Le capitaine de l`équipe nationale du Cameroun s`affirme sur la scène continentale.
" Ma plus grande satisfaction depuis que j`ai commencé à courir, je la connaîs cette année. Depuis plus de dix ans que l`équipe nationale du Cameroun sort, ses coureurs n`avaient jamais connu de succès à l`extérieur. En septembre dernier, j`ai gagné une étape (la 7ème) lors du Tour du Sénégal. Je suis d`ailleurs le seul Africain à avoir remporté une étape. Au récent Tour du Faso, et pour ma deuxième participation après 2001 où j`étais 14ème au classement général et 3ème Africain derrière deux Marocains, je termine 5ème au classement général et premier Africain. C`est la plus belle des choses qui me soit arrivée dans ma carrière jusqu`à présent. J`espère et ferai tout pour ne pas m`arrête là." Si sa passion, le cyclisme, l`amène plus souvent à offrir plus souvent son corps aux rafales du vent, Martinien Tega, le n°1 du cyclisme camerounais, a bien la tête sur les épaules. Au moment où les médias nationaux et étrangers saluent encore les performances de ce coureur dont la carrière est en ce moment sur une pente ascendante, cet originaire de Bandjoun de 24 ans, lui, est plutôt inquiet. Inquiet pour la suite de sa carrière. Mais surtout, inquiet pour l`avenir du cyclisme au Cameroun.
Parcours
Tega dénonce sans ambages " les disparités qui existent dans la gestion du sport au Cameroun. Nous, sportifs, nous battons tous pour l`honneur de notre pays. Mais au final, certaines disciplines sont bien entretenues, aussi bien sur le plan financier qu`au niveau de l`encadrement technique. Pendant que d`autres, comme le cyclisme, sont délaissées ". Alors que, poursuit-il : " Dans les discours du Chef de l`Etat, il déclare très souvent : " Il n`y a pas de sports mineurs et de sports majeurs ".Dans la réalité, c`est pourtant autre chose. " Cette autre réalité que sa famille et son entourage appréhendent difficilement : " Quand j`arrive dans mon quartier ou dans mon village, je suis ovationné par les populations. Mais je suis incapable de leur rendre la politesse parce que je n`ai rien. Tout comme dans ma famille, les gens pensent que je suis riche quand ils entendent que pour telle position que j`ai occupé lors d`une course, j`ai droit à telle prime que je ne vois jamais. Comment faire comprendre alors à ces gens-là que ce n`est pas ce qu`ils entendent?"
Jeune collégien, Martinien Tega arpente les rues de Bandjoun avec un vélo que lui a offert son père afin de lui faciliter les déplacements entre le domicile de ses grands-parents et le Ces de Bandjoun. Quand, en 1995, le jeune garçon de 15 ans retrouve ses parents à Yaoundé où il doit poursuivre ses études secondaires, son frère aîné, Richard Dekam, lui offre un vélo "demi-course". Les pieds sur les pédales, Tega voit du coup la différence d`avec le "Zéphyr" (du nom de la marque) qu`il pédalait à Bandjoun. Mieux, "je me voyais déjà dans la peau d`un coureur professionnel", qu`il ne tardera pas à dévernir grâce à sa persévérance. Et surtout, poussé par son frère aîné qui voit dans les mollets de son
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cadet les muscles d`un champion. A peine Tega a t-il enfourché ses premières pédales pour une compétition qu`aussitôt les succès s`offrent à lui. Vainqueur du Grand prix Alucam-Socatral sur le circuit Douala-Edéa, son premier succès en cyclisme, le débutant décroche le titre national de la catégorie des juniors à la fin de la saison 95-96 à Bertoua. Une victoire qui vient récompenser les efforts du néo bachelier (série C). Ce après quoi Tega est contraint d`arrêter ses études à cause d`un incident survenu au moment des examens à l`Université de Yaoundé I où il est inscrit en première année.
Aussi, la témérité du cycliste amène les officiels à le surclasser au cours de la saison 96-97. Et pour marquer son entrée chez les seniors, Tega remporte le tour cycliste organisé en 1996 en l`honneur du 14ème anniversaire du Renouveau. Course au cours de laquelle il dame le pion à des "aînés" tels Alain Ayissi et Simon Ngopang de la défunte et célèbre équipe Ecam Placages de Mbalmayo. Il fera mieux l`année d`après en décrochant le titre de champion provincial du Centre. Des performances qui lui permettront d`être de l`expédition de Malaisie pour les Jeux du Commonwealth en 1998, ou encore de s`améliorer au Tour du Cameroun (1999) où il termine 4ème. Mais la consécration nationale, elle, a lieu en 2001. Et c`est naturellement que le champion du Cameroun ira se mesurer à la crème africaine au Tour du Faso : 14ème au général et 3ème Africain. Éternel insatisfait, le cycliste est alors déçu. "Dans la vie, si on pense qu`on est arrivé, on va se rendre compte au moment du bilan qu`on a rien fait". Tel est d`ailleurs son crédo : "Tendre toujours vers le meilleur. C`est la raison pour laquelle je transcende toutes les souffrances pour parvenir à un résultat".
De nature calme, il faut aborder ce "petit homme" de 1m71 qui pèse à peine 60 kg pour percer sa véritable personnalité. Qui diffère selon qu`il s`agit de la vie quotidienne ou des compétitions. Là, l`agneau se transforme en loup. Tega le félin observe, guette la moindre faille et, le moment opportun, déboule. Rarement, il a abdiqué. Qu`il fasse la figuration comme aux Jeux du Commonwealth en 2002, ou tombe malade pendant la course (Tour du Cameroun en 2002), ou encore qu`il prenne les coups des adversaires qui n`hésitent pas à le pousser "droit sur les trous" (Tour du Faso 2003), il se relève, sans rechigner. Une fois tout de même, il a failli abandonner. Lorsqu`entre 1999 et 2000, la Fédération camerounaise de cyclisme casse ses pédales les unes après les autres. Les cyclistes sont délaissés. Désoeuvrés, ils menacent, du moins les ténors, de se retirer. C`est Claude Bernard Messy, enthousiaste président, qui essayera de redonner les couleurs à la maison. "A son arrivé en 2000, confie Tega, il a galvanisé les coureurs en achetant des vélos à certains et des pièces de rechange à d`autres, a offert des primes après des courses aux cyclistes... Bref les choses ont changé". Mais pour combien de temps, s`interroge t-il tout de même ? Puisqu`abandonné par la tutelle, l`expert comptable présenterait déjà des signes d`essoufflement.
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