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AFFAIRE FIFA / FECAFOOT: MERCI ISSA HAYATOU (25.05.2004)
Les dessous et le comment de la levée de la suspension de la sanction sur les Lions indomptables.
Contrairement à une certaine propagande locale laissant croire à un mea culpa de la Fédération internationale de football association (Fifa) et surtout de son président Joseph Sepp Blatter, la levée, vendredi dernier, de la lourde sanction prise il y a quelques semaines à Zurich par la commission de discipline de l’organisation contre l’équipe nationale de football fanion du Cameroun ne fut pas une sinécure.
Le chef de l’Etat Paul Biya, a dû y investir des trésors de diplomatie, plus ou moins efficaces, loin des élans pyromanes de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). La “ commission d’appel ” du Cameroun conduite par l’ancien bâtonnier Akere Muna, qui plaidait la “ disproportion ” de la sanction par rapport à la nuisance objective de l’infraction, n’a même pas fait l’objet d’une véritable délibération de la commission de discipline, l’atmosphère étant alors absorbée par le vote qui a vu l’élection de l’Afrique du Sud comme hôte de la Coupe du monde de football de 2010. Autant dire que cette commission ne s’est même pas réunie pour confirmer la sanction édictée sur la base des textes disciplinaires.
Actions malheureuses de Puma. L’on a successivement vu défiler en Suisse ces dernières semaines, à coups de budgets souvent faramineux, aussi bien le chef de l’Etat Paul Biya lui-même, que son représentant permanent auprès de l’Onu, l’ambassadeur Martin Belinga Eboutou et l’ambassadeur itinérant à la présidence de la République, Albert Roger Miller… Les résultats de ce ballet furent manifestement mitigés. Puis il y a eu Joseph Antoine Bell, qui, excipant l’argument de son “ amitié ” ou de sa campagne pour Blatter contre Issa Hayatou, il y a deux ans, aurait longuement discuté de la question avec un roi de la Fifa refusant d’accéder, même partiellement, aux jérémiades camerounaises de peur (aurait-il argué) de provoquer une avalanche de demandes de cette nature, à travers les associations membres.
Il y a eu surtout les nombreuses actions “ malheureuses ” de la firme allemande Puma qui critiquait la Fifa sans vergogne, en lançant, entre autres incartades, un appel à signatures provocateur dans le quotidien français L’Equipe. Ou en brandissant, comme si cela servirait à quelque chose, l’avocat allemand Reinhard Stuenkel pour une trop bruyante saisine du Tribunal arbitral du sport, simple juridiction à Zurich. Toutes frasques de nature à pousser les officiels de l’organisation à la radicalisation. Car dans cette affaire, il y a eu ce côté médiatique tonitruant bourré de menteries et de galéjades et, l’autre côté, fait essentiellement de lobbying, piloté par le chef de l’Etat et le président de la Confédération africaine de football (Caf), Issa Hayatou qui, contrairement aux allégations ambiantes, fut, pour une fois, du même point de vue que Blatter sur la perspective d’un véritable aggiornamento à la Fecafoot.
Lobbying. Mais il y a surtout eu, dans cette affaire, la finale des activités de lobbying : cette entrée au 54ème congrès de la Fifa, à la solennelle occasion du centenaire de l’organisation à Paris.
Selon des informations exclusives, le président Blatter était resté campé sur sa position “ légaliste ”, puisqu’il se disait presque publiquement dans les arcanes de la Fifa que le gouvernement camerounais n’a pas donné des gages à la mesure de la précédente crise avec la Fifa (affaire Vincent Onana). Nonobstant la sanction, il n’a pas exigé la rupture du contrat avec Puma, ni inquiété les prédateurs de la Fecafoot, et a limogé le ministre de la Jeunesse et des sports dans le cadre d’un mouvement global... Un nouvel examen du problème était à programmer.
Il se dit toutefois que lors du tirage au sort pour le choix de l’Afrique du Sud, certains chefs d’Etat présents, “ travaillés au corps ” par Paul Biya et des “ amis du Cameroun ” n’y sont pas allés de main morte. Des informations font état en effet de l’intervention d’un Thabo Mbeki et d’un Abdoulaye Wade auprès du président de la Fifa, Joseph Sepp Blatter. Devant l’intransigeance du président Blatter, plaidant toujours l’impossibilité technique d’un revirement de jurisprudence sur l’affaire Fecafoot/Puma, il y aurait eu celle du chef d’Etat français, Jacques Chirac. Recevant le président de la Fifa à l’occasion de la célébration du centenaire de l’organisation, l’hôte de l’Elysée, à la demande de Paul Biya, lui aurait demandé
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d’examiner les voies et moyens de lever la sanction du Cameroun. Même si l’on ne peut prouver l’intermède du président français, il demeure constant que le président Blatter, d’entrée de jeu, n’est pas pour la solution de la clémence, bien que le président de la Caf l’en ait saisi quelque temps plus tôt en Afrique du Sud. Officiellement, une telle solution, parce qu’elle concerne les règles de jeu, n’est pas de son ressort.
Suivi de près par le chef de l’Etat et des ministres de la présidence de la République, en l’occurrence, le secrétaire général de la présidence de la République, Jean Marie Atangana Mebara, et le ministre chargé de missions, Philippe Mbarga Mboa, l’affaire se transporte rapidement dans le camp d’un lobbying exclusif Fifa/Caf.
Issa Hayatou qui, selon des proches, est convaincu que sa seule position dans le sérail de la Fifa peut permettre un dénouement heureux de l’affaire entreprend de sensibiliser les autres associations africaines membres de la Fifa sur la question. Au point d’obtenir le refus des équipes du groupe intégrant les Lions indomptables aux prochains éliminatoires à jouer contre une équipe camerounaise d’avance perdante. Au finish, les 52 fédérations africaines, plus qu’enthousiastes – la plupart ayant été contactées individuellement par Issa Hayatou -, sont prêtes, au terme d’un congrès extraordinaire de la Caf tenu la veille, à s’associer à une résolution à introduire à cet effet au congrès de la Fifa prévu, “ par un hasard de calendrier ”, vendredi 21 mai à… Paris.
Congrès de la Caf. La veille du 54ème congrès de la Fifa, le président de la Caf saisit le président de la Fifa pour l’informer de l’intention des 52 fédérations africaines de demander que la Fifa revienne sur la sanction infligée au Lions indomptables. Evidemment, Blatter est réticent, puisque les deux, au moins sur cette affaire, s’étaient accordés sur la nécessité de la sanction préalable des “ prédateurs de la Fecafoot ” - que le secrétaire général de la Caf, Moustapha Fahmy, avait déjà prévenu par lettre, leur demandant d’être prêts à assumer toutes les conséquences de leur entêtement face à une dizaine d’injonctions de la Fifa restées lettre-morte. Mais la situation est peut-être différente : au Cameroun, il est connu qu’une commission d’enquête et une autre de relecture des textes sont à l’œuvre.
Tard, dans la soirée veille du congrès, les discussions se poursuivent entre les deux officiels de la Fifa. Issa Hayatou annonce une demande collective des fédérations africaines au congrès de la Fifa. C’est l’élément nouveau. Si le Suisse ne s’associe pas à cette démarche, il apparaîtra au grand jour un clash, même factice, avec l’Afrique, appelée tout de même à abriter la prochaine coupe du monde. L’argument–force de Issa Hayatou est que l’Afrique présentera néanmoins sa requête à la Fédération même si le président de la Fifa s’oppose à cette initiative.
C’est dans la nuit du jeudi après 21 heures, que le président de la Fifa accepte l’option africaine proposée par Issa Hayatou. “ Politiquement ”, c’est Blatter lui-même qui annoncera solennellement, devant les congressistes, l’action africaine en faveur du Cameroun, ce qui lui permettra de redorer le blason et de passer pour favorable à une levée de la sanction de la commission disciplinaire qu’il avait dit indépendante. Immédiatement, Issa Hayatou appelle le chef de l’Etat Paul Biya pour l’en informer.
Seulement, il y a un détail fâchant dans la procédure : statutairement, c’est non pas Issa Hayatou, mais le président de la Fecafoot, Iya Mohammed, en cheveu dans la soupe, qui a présenté la requête du Cameroun auparavant à la Caf. Ici, le président de la Caf a un peu forcé sur les événements car fondamentalement opposé à l’entêtement de ce dernier qui entend plaider, contre vents et marées, “ l’innocence ” du groupe de pyromanes camerounais complices de Puma.
Au congrès de Paris, après une nuit d’interminables négociations pour obtenir l’unanimité des Africains, tout se passe comme prévu. Au-dessus de la Commission disciplinaire dans la hiérarchie statutaire de la Fifa, c’est le Congrès qui connaît de l’affaire. La conduite de l’affaire Fecafoot/Puma donne raison à celui qui, en 1999, avait déjà résolu une “ suspension administrative ” du Cameroun à la Fifa, sous le ministre Joseph Owona : Issa Hayatou. L’homme était pourtant resté jusque-là silencieux dans le grand brouhaha de Puma et de ses complices camerounais.
Jean Marc SOBOTH
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