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Naturalisations . (17.08.2004)
Emmanuel Gustave Samnick
La nouvelle a parcouru les salles de rédaction et les chaumières au Cameroun depuis quelques jours: David Hercule Matam, haltérophile camerounais bon teint, défendra les couleurs de la France aux Jeux olympiques d`Athènes 2004. Et les profanes de se demander ce qui s`est passé, pourquoi il a fait ça. Tandis que certains connaisseurs n`hésitaient pas à dire que le sportif avait fait ``le bon choix``, celui du pays qui songe à son encadrement et pense à son épanouissement. Hercule Matam n`est pourtant pas le premier Camerounais, ni même le premier haltérophile camerounais, à choisir de porter les couleurs bleu, blanc et rouge. Ses propres frères Alphonse Matam et Samson N`dicka Matam, et Jean Mbeumo, eux aussi haltérophiles professionnels en France (à Avallon), s`étaient déjà naturalisés avant lui. Les athlètes Monique Ewandje Epée et Alain N`theppe, le volleyeur Jacques Yoko, ainsi qu`une forte colonie de fooballeurs dont les derniers en date sont Jean Alain Boumsong et Franck Songo`o, ont tous revêtu la tunique bleue de l`équipe de France avec des fortunes diverses.
La naturalisation de Hercule Matam, dont le père est, soit dit en passant, l`entraîneur national d`haltérophilie du Cameroun, a peut-être plus de retentissement parce qu`elle intervient à quelques jours du début des Jeux olympiques d`Athènes 2004. Mais, c`est une vieille technique des nations nanties de s`attirer les meilleurs sportifs délaissés par leurs pays pauvres d`origine, à l`approche des grandes compétitions. Le phénomène a pris une ampleur considérable avant les championnats du monde d`athlétisme de Séville en 1999. La Sierra-Léonaise Eunice Barber, son passport français encore tout frais en poche, offrit ainsi la médaille d`or de l`heptathlon à la France. Le Kényan Wilson Kipketer fit de même dans l`épreuve du 800m au profit du Danemark. Le Marocain d`origine Mohamed Mourhit devint champion du monde de cross country en 2000, juste après s`être naturalisé belge. La Fédération internationale d`athlétisme (Iaaf) et le Comité international olympique (Cio) ont beau resserrer leurs règlements (l`article 46 de la Charte olympique impose au demandeur de naturalisation une résidence minimale de trois ans dans le pays d`adoption), le phénomène n`a de cesse de s`accentuer. En fait, on ne peut plus l`arrêter; il faut simplement chercher les raisons pour lesquelles il prospère.
Là aussi, il ne faut pas spéculer du matin au soir. Les sportifs de haut niveau, comme tous les bipèdes, aspirent à une élévation de leur standard de vie. Tous les naturalisés vous diront que leur pays d`adoption leur offre de meilleures conditions de vie et de travail. Ce qui est vrai par ailleurs : si Boumsong avait gagné l`Euro 2004 avec l`équipe de France, il aurait empoché une prime individuelle de 150 millions de Fcfa! La tentation est encore plus grande pour les pratiquants des sports individuels, moins médiatisés et moins financés que leurs collègues des sports collectifs, de s`entourer des garanties que procurent une grande nation. Car, au delà des aspects matériels qui ne sont pas à négliger, les pays occidentaux offrent aux sportifs issus des pays du sud un encadrement global de qualité. Là-bas, les stages
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foireux, les voyages avortés, les billets d`avion non remboursés, les primes détournées, les séances d`entraînement sans eau, ne font pas partie du décor comme c`est le cas chez nous. La fuite de la galère n`est pas le seul motif de la naturalisation. Ce choix peut aussi être commandé par des raisons sportives, l`envie de briller au haut niveau international qui pourrait être étouffée par une concurrence nationale.
On classera dans cette catégorie le footballeur d`origine libanaise Pierre Issa, titulaire de passeports français et sud-africain, qui choisit de jouer pour les Bafana Bafana juste avant le Mondial 1998. Le Brésilien Santos, naturalisé tunisien en décembre 2003 avant de devenir champion d`Afrique avec les Aigles de Carthage en février 2004. David Régis, Français né en Martinique, qui devint Américain par alliance et disputa la Coupe du monde 98 dans les rangs des Etats-Unis. On peut comprendre ceux là, qui ont saisi la seule opportunité de mener une carrière internationale. Mais, le problème reste entier quant à savoir ce que représente encore le drapeau, à l`allure où se font les "transferts" de nationalités chez les sportifs. La Fédération internationale de football association (Fifa) avait freiné les ardeurs de la fédération du Qatar qui voulait naturaliser en vrac de multiples footballeurs brésiliens anonymes qui évoluent en Europe, en disant que le demandeur d`une naturalisation doit justifier "d`une attache solide avec le nouveau pays dont il veut prendre la nationalité". L`amour du maillot existe t-il encore? Oui, et il faut se réjouir des sportifs de haut niveau qui y tiennent.
Le champion russe de natation Alexandre Popov vit et s`entraîne depuis plus de six ans à Canberra, mais il a refusé de se naturaliser australien, malgré une cour assidue de son pays d`accueil. Pour revenir au Cameroun, Françoise Mbango Etone, vice-championne du monde du triple saut féminin, vit un véritable drame interne depuis deux saisons. Elle a refusé de céder aux pressions de la fédération française d`athlétisme qui lui demandait de se naturaliser, quitte à perdre son entraîneur français et à recevoir diverses menaces. Mais, jusqu`où résistera t-elle? Jusqu`à quand la passion pour son pays l`emportera t-elle sur la raison d`une carrière sportive rondement menée? Car en face, dans son pays justement, il n`y a aucune politique d`encadrement des sportifs de haut niveau, qui ne sont reconnus qu`après des médailles, gagnées grâce aux efforts individuels extraordinaires des sportifs, mais fêtées en grandes pompes par les fonctionnaires de l`inertie. David Hercule Matam avait offert à lui seul six médailles au Cameroun lors des Jeux africains de Johannesburg en 1999. Pour le récompenser, son pays lui offrit une prime de... 45.000 Fcfa. Joseph-Désiré Job, par amour pour le pays où sont nés ses parents, peut refuser l`équipe de France espoirs, sachant qu`à Lyon ou à Middlesbrough il sera à l`abri du besoin et que les Lions indomptables lui apporteront une visibilité internationale. Hercule Matam, haltérophile, brandira difficilement les mêmes atouts. Comme il compte vivre de son sport, le choix de la France s`est imposé à lui. Il aime bien le Cameroun; il y reviendra très souvent pour les vacances.
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