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Théophile Abega : « Il est temps pour l’Afrique de remporter la coupe du monde » (03.12.2009)
Ecrit par Ateba Biwolé
Entretien avec l’ancien capitaine des Lions Indomptables après la qualification des Lions Indomptables pour Afrique du Sud 2010.
Le Cameroun est qualifié pour la coupe du monde 2010 : une grande satisfaction pour vous…
Evidemment, surtout que j’y ai participé, je me suis rendu à Fès pour suivre cette équipe. Je dois être satisfait non seulement de la qualification, mais aussi de la manière avec laquelle les Lions ont su le faire. C’est de quoi avoir espoir en l’avenir.
On a remarqué qu’à un moment donné du match, les supporters marocains soutenaient le Cameroun. Comment expliquer ce revirement ?
Quel que soit le pays où on se retrouve, on sait qui est Eto’o, qui est Kameni ou Assou Ekotto. On les connaît tous dans leurs championnats respectifs. Par rapport à notre époque, nos adversaires n’avaient jamais vu l’un de nous évoluer ; ils ne savaient pas qui est Théophile Abega, qui est Manga Onguéné, etc et c’est sur le terrain qu’on nous découvrait. Aujourd’hui, la situation est autre, avec l’effet de la télévision et le fait que la majorité des footballeurs camerounais font parler d’eux dans les grands championnats.
Entre le Maroc qui a évolué contre les Lions Indomptables à Fès et le Maroc que vous avez rencontré à Kenitra en 1981, quelle est la différence ?
La différence est que l’équipe qui a rencontré Eto’o et ses compatriotes était composée d’un bon nombre d’amateurs et le Maroc a voulu jouer à cache-cache et mettre les Lions en difficulté afin de les démobiliser. Le professionnalisme des Lions leur a permis de bien prendre le match et de terminer comme ils l’ont entamé. Par contre, en 1981 à Kenitra, nous avons joué contre une équipe qui jouait son match aller à domicile et qui devait ensuite jouer son match retour au Cameroun. Ils avaient donc pour objectif de gagner à Kenitra pour venir gérer le match à Yaoundé. De notre côté, nous étions dans l’optique de gagner afin d’assurer la victoire devant notre public à Yaoundé. En 1981, l’équipe marocaine était composée de professionnels aguerris qui croyaient en leur victoire. Ils comptaient en plus sur leur public. C’était le 15 novembre 1981 et ils avaient derrière eux un public des grands jours. Le stade de Kenitra était plein avec plus de 60. 000 spectateurs. La petite curiosité est que le match s’est joué en novembre comme celui de Fès et les Lions ont gagné par deux buts à zéro.
Pouvez-vous nous raconter les circonstances de cette rencontre ?
Kenitra c’était un match au couteau entre deux nations fortes qui n’avaient pour seul objectif que de se qualifier. Les marocains ont entamé le match sur des chapeaux de roue et ont obtenu un penalty dès la troisième minute. Heureusement pour nous, Thomas Nkono a devié le ballon. A la 10ème minute, nous avons profité d’une contre-attaque de nos milieux de terrain et Roger Milla a marqué le but. Dix minutes après, Tokoto prend le ballon, se déjoue de toute la défense marocaine et marque le deuxième but pour les Lions. A deux zéro, le public est assez agressif contre nous et nous le fait savoir à travers des cris. Mais sur le terrain, nous avons senti leurs joueurs fébriles et cela nous a permis de faire le break.
Par rapport à votre équipe, quelle est la différence avec les Lions d’aujourd’hui ?
Il se trouve que l’équipe nationale actuelle est une équipe pétrie d’expérience et connaît plus ou moins ses adversaires. Si les Lions rencontrent par exemple l’Espagne, ces joueurs ne vont pas se présenter à eux comme des inconnus, puisqu’ils évoluent ensemble dans les mêmes clubs. Avec nous, ce n’était pas le cas, parce qu’en 1982, nous étions des amateurs. Aujourd’hui, les Lions savent qui ils ont en face et quels sont les points forts et les points faibles de leurs adversaires.
Est-ce que vous en tant qu’ancien capitaine, vous côtoyer les Lions pour leur donner des conseils ?
Je n’ai pas l’habitude de le faire, car je pense qu’ils reçoivent tout de l’entraîneur et en ce moment, ils sont tous conscients de ce qu’ils ont à faire. Je dirais même que dans ces conditions, un seul regard suffit pour mettre un joueur en confiance. Nous n’avons pas besoin de parler.
Pendant la conférence d’avant-match des Lions Indomptables contre le Maroc le 13 novembre dernier, Samuel Eto’o a marqué un temps d’arrêt pour vous présenter à Paul Le Guen. Vous en avez été ému ?
Non, je n’en ai pas été ému, car la relation entre Eto’o et moi est plutôt familière ; Eto’o est un garçon assez exceptionnel avec un comportement très chaleureux. Samuel Eto’o me considère un peu comme son père, doc je ne suis pas très surpris qu’il le fasse. De temps en temps, j’ai quelques communications avec lui.
Depuis l’arrivée de Paul Le Guen, on constate que les anciens et les nouveaux joueurs cheminent ensemble dans la discipline. D’après vous, quel est l’effort qui reste à fournir avant la coupe du monde ?
La coupe du monde est très relevée, mais ce n’est pas la première fois que le Cameroun va y prendre part. Je voudrais déjà tirer un coup de chapeau à Paul Le Guen pour le travail qu’il a accompli au sein de cette équipe. Il a réussi à créer l’osmose entre les jeunes et les anciens joueurs. Je voudrais également tirer un coup de chapeau à ces anciens joueurs qui ont su joueur leur rôle à fond. Je pense à Rigobert
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Song, je pense à Geremi Njitap, à Samuel Eto’o. Je crois qu’il y a encore du travail à faire et les joueurs le savent. La coupe du monde est l’objectif majeur pour tout footballeur, donc je sais qu’ils savent ce qu’il y a à faire. Nous sommes à une époque où il est possible qu’une équipe africaine remporte la coupe du monde ; il y a au moins quatre équipes africaines qui peuvent le faire. Le bal a d’ailleurs été ouvert par le Ghana avec la coupe du monde junior. Une coupe du monde organisée en Afrique devrait être l’occasion pour les africains de le faire. Je crois sincèrement qu’il est temps pour l’Afrique de remporter la coupe du monde. Le moment me semble venu et il est possible que ce soit le Cameroun.
Samuel Eto’o a essuyé des critiques, mais il est resté lui-même et a contribué à cette victoire…
Je vais dire qu’Eto’o a eu quelques difficultés ces derniers temps ; je salue même sa force de caractère parce qu’un autre joueur à se place aurait craqué. Il y a eu une période où il était un peu la cible des supporters camerounais qui estimaient qu’il était de ceux qui mettaient l’équipe nationale en difficulté. Au même moment, il a eu quelques difficultés avec le Fc Barcelone ; je pense que tout ceci n’est pas facile à supporter pour un joueur qui évolue au haut niveau, mais il l’a fait. Je loue vraiment sa force de caractère. Avec son nouveau club, je pense qu’il est normal qu’il ait quelques difficultés parce que dans cette équipe, il ne connaît personne et il lui faut du temps pour trouver ses vrais repères. Vous savez, l’Inter évolue dans un style que je peux qualifier d’individualiste et ce n’est pas facile pour un joueur qui vient d’une équipe comme le Fc Barcelone où le ballon circule et passe par toutes les jambes. Je pense qu’il va s’adapter et le résultat des Lions aidant, il va s’intégrer de la plus belle manière dans cette équipe.
Que pensez-vous de Samuel Eto’o comme capitaine de l’équipe nationale?
Je crois qu’il est dans l’un de ses meilleurs rôles et je crois que depuis qu’il est capitaine, la sérénité semble être revenue. Il est à sa place.
Quel message au peuple camerounais qui savoure cette qualification ?
Je demanderais à mes compatriotes de se mobiliser davantage et de croire en leur équipe et en leur pays ; qu’ils sachent que leur équipe est capable de réaliser des bonnes choses. Il faut qu’ensemble, nous puissions bâtir notre équipe. Aux Lions, je vais demander davantage de discipline et de travail. Avec cette qualification, nous avons eu la preuve qu’il faut être discipliné et travailleur pour avancer. Je crois que l’avenir leur appartient.
Lors du dernier congrès du Canon de Yaoundé, certains supporters que ce club est un peu orphelin de vous…
Vous semblez l’oublier, mais je suis aussi président de la section Mfoundi IV du Rassemblement démocratique du peuple camerounais et maire de cette localité. Il n’est pas possible de tout faire à la fois, à moins de vouloir mal faire son travail.
Qu’est-ce qui justifie votre départ du Canon de Yaoundé ?
Il se trouve que je suis un homme extrêmement pris et indisponible. Comme vous le savez, je suis maire de la commune d’arrondissement de Yaoundé IVème, la plus grande commune du Mfoundi ; je suis chef traditionnel de IIIème degré et je suis président de section du Rdpc. Vous devez le savoir, avec le Canon, on ne triche pas : ou on est là, ou on n’est pas là. Le Canon a de nouveaux dirigeants, des dirigeants dignes de confiance qui ont été élus par l’assemblée des supporters du Canon ; je pense qu’ils ne se sont pas trompés et que la personne qu’ils ont élue est à même de pouvoir mener le Canon. Mais ce n’est pas facile, ce n’est pas aisé. Je pense qu’avec quelques temps d’apprentissage, il va pouvoir atteindre ses objectifs.
Vous êtes donc passé du football à la politique ?
On peut le dire, car c’est ce qui me préoccupe le plus en ce moment.
Comment vous sentez-vous dans votre rôle de maire ?
C’est une responsabilité de plus ; j’ai été pendant 19 ans président du Canon de Yaoundé. Au Cameroun, je ne sais pas s’il y a un grand nombre de présidents qui ont passé autant de temps à la tête d’un club. Je crois qu’à un moment donné de la vie, chacun sent le désir de passer à autre chose. J’ai décidé de me retirer et de m’occuper d’autres choses ; je veille sur à peu près 600. 000 âmes dans mon arrondissement, je suis chef d’un village d’à peu près mille âmes. Ce qui fait qu’il n’est pas évident de toujours avoir le temps de tout faire.
Etes-vous définitivement parti du club ?
Non, je pars de la direction du club, mais je reste membre à vie du Canon. Un comité de réflexion a été mis sur pied pour réfléchir et proposer le plan de restructuration de l’équipe. Nous voulons aussi que, dans les dix jours qui viennent, une décision qui doit nous emmener vers l’assemblée générale du club soit prise.
Le Canon aujourd’hui a des résultats qui ne sont pas satisfaisants en Mtn elite one ; quel peut en être le remède ?
Je ne sais pas à quel niveau se trouve le problème, car il faut faire un diagnostic. Malheureusement, je n’ai pas le temps de le faire pour le moment. Ces derniers temps, je ne vais pas aux entraînements, je ne regarde pas les matchs ; donc je ne sais quoi faire pour le moment.
Propos recueillis par Ateba Biwolé
à Fès au Maroc
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