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Evocation :Louis Paul Mfédé « Nous manquons d’individualités » (02.06.2010)
L’ancien Lion indomptable revient sur l’exploit de 1990 et scrute Afrique du sud 2010.
Quelle édition de la coupe du monde vous a le plus marqué en tant que Camerounais?
Ce n’est même pas moi qui devrais en parler. Si on pose cette question à tout Camerounais qui a vu la coupe du monde 90, qui avait même douze ans, il vous dira que c’est la meilleure édition que le Cameroun ait vécue et qui nous a d’ailleurs marqué, nous qui y étions.
On se souvient encore de votre dribble qui a mis en confiance une équipe camerounaise crispée. Que ressentez-vous en revoyant l’image ?
Ça fait chaud au cœur. Quand les choses sont bien faites, elles ne sont pas vite oubliées ! Ça me fait plaisir d’autant plus que c’est l’action qui sert de déclic pour l’équipe du Cameroun. Il ne faut pas oublier qu’avant cette action, nous avions vraiment du mal à rentrer dans le jeu. Mais, c’est dommage que les gens n’aient jamais mentionné que j’ai été le seul Africain dans l’équipe-type du Mondial après le premier tour. C’est vrai que les gens regardent simplement la performance, le dribble qui a fait le déclic. Mais, il faut aussi mentionner que ce n’est pas souvent arriver de voir un Africain dans l’équipe-type de la coupe du monde, ne serait-ce qu’après un premier tour de cette grande compétition.
Etiez-vous convaincu personnellement que vous atteindriez ce niveau ?
Quand on n’est pas donné favori, on va dans l’inconnu. Et quand on va dans l’inconnu, on essaie dans un premier temps de limiter les dégâts. Nous savions que nous avions fait une très bonne préparation. Il ne faut pas oublier que dans cette équipe du Cameroun, on avait pas mal de joueurs qui étaient déjà professionnels.
20 ans après, que ressentez-vous en voyant une équipe qui semble avoir perdu l’âme de vainqueur ?
C’est trop dire. Il ne faut pas vite oublier 2000-2002. Je pense que certains éléments sont encore là. On n’a jamais dit que cette équipe-là n’avait pas une âme de vainqueur. Le problème qui se pose à l’équipe nationale du Cameroun aujourd’hui saute à l’œil nu : nous manquons d’individualités. Des gens qui sont intelligents sur le stade et qui ont un bon dribble. Quand nous allions à la coupe du monde en 90, personne ne vendait chère notre peau, surtout que nous venions de faire une très mauvaise Can. Mais, on avait un potentiel énorme qui est peut-être au dessus de celui d’aujourd’hui. Bon, on ne peut pas juger une équipe avant la compétition.
Les éliminatoires n’ont pas été faciles, puis la Can angolaise a été «catastrophique»…
Dire que les éliminatoires n’ont pas été faciles, c’est trop dire. On a peut-être mal démarré ces éliminatoires. Mais, si cela n’avait pas été facile, on n’aurait pas terminé premier de notre groupe ! C’est vrai que quand on regarde également la Can, on s’attend quand même à voir au haut niveau africain une équipe comme le Cameroun sortir au plus tôt en demi finale. On a été en quart de finale. Ça a été un jour sans. Il faut reconnaître que les gars n’ont pas vraiment eu le temps de travailler ensemble. Quand vous avez votre effectif qui est dispersé à travers le monde, dans différents championnats, trouver la cohésion n’est pas évident. Et puis, pour être performant à une compétition, il
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faut être prêt au moment de cette compétition. Pas avant, ni après. Malheureusement, le Cameroun n’a pas été prêt au moment de la compétition.
Croyez-vous que le Cameroun peut aller le plus loin possible ?
Honnêtement, avec ce qu’on a vu jusqu’à présent, on ne peut pas dire que nous sommes optimistes ; mais il y a un langage qui dit qu’impossible n’est pas camerounais. Maintenant, sur du papier, vous pouvez être moins fort, mais si vous êtes mieux préparé que l’adversaire qui est plus fort, vous avez plus de chance. Il faut maintenant savoir comment les Lions se sont préparés. Je sais quand même qu’ils ont des entraîneurs qualifiés pour parfaire leur condition physique. Maintenant, il faudra voir s’ils sont prêts le jour J.
La polémique entre Eto’o et Milla ne va-t-elle pas distraire le groupe ?
Si je me réfère aux informations que je lis au niveau des crawls de télévision, apparemment, la paix est faite. Mon ancien coéquipier, l’ambassadeur Roger Milla lui-même l’a dit : que c’était juste pour booster le moral du capitaine. Et qu’il remplissait son rôle de grand frère. Je pense qu’on aurait dû se passer de cette polémique, parce qu’au jour d’aujourd’hui, on ne peut pas vouloir le beurre et l’argent du beurre. On veut que ces enfants soient performants ; en même temps, on ne leur rend pas la tâche facile. Je pense que partir comme cela peut déstabiliser le groupe. Mais, comme on dit que le mental des Camerounais est assez costaud, je pense que ça va rentrer dans l’ordre. Ce dont le Cameroun a le plus besoin, c’est que tous les Camerounais tirent dans la même sens qu’eux et qu’ils les soutiennent jusqu’au bout, en attendant qu’ils aillent détoner là-bas. Imaginez-vous que si déjà, chez vous, vous êtes rejetés, ce n’est pas facilement ailleurs qu’on vous tendra la perche.
Vous redoutez un adversaire précis dans la poule du Cameroun ?
Vous savez que pour une compétition, les adversaires sont redoutables sur le papier. Maintenant, sur le terrain, la réalité est autre. C’est vrai qu’on a les Pays-Bas qui sont quand même à prendre au sérieux. Mais, si on est bien préparé…
Les autres Africains vous font-ils rêver ?
Il y a toujours des surprises dans une compétition. Je dois vous dire une chose : seules les individualités ne suffisent pas pour faire un résultat, pour faire une bonne compétition. Et aujourd’hui, tout le monde nous rebat les oreilles avec la Côte d’Ivoire qui est pleine d’individualités. Entre temps, qu’est-ce qu’ils ont gagné ? Il ne faut pas se dire que parce que la coupe du monde se joue en Afrique, un pays d’Afrique va la gagner. Il faut être quand même réaliste. Qu’on se contente déjà qu’il y ait de bonnes prestations dans cette coupe du monde. Je pense que ça a été démontré, depuis le début de la coupe du monde, la plus grosse performance d’une équipe africaine est le quart de finale. Donc, revenons sur terre. Soyons enthousiastes, mais ne soyons pas rêveurs. Bon, c’est en terre africaine et on sera certainement plus soutenus que les Européens. Qu’on se dise qu’on voudrait plutôt voir le bon comportement des équipes africaines, mais de là à parler de victoire finale à cette coupe du monde ? Revenons sur terre.
Écrit par Propos recueillis par Lindovi Ndjio
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