|
|
CAMEROUN / EGYPTE : JOSEPH ANTOINE BELL PRONOSTIQUE (07.10.2005)
Connu pour son franc-parler et sa clairvoyance, l’ancien portier des Lions indomptables avait prédit dans nos colonnes la victoire des Lions indomptables le 4 septembre dernier, à Abidjan, à travers le talent ”caché” d’Achille Webo. A 24 heures du match décisif de demain contre l’Egypte, ”jojo” analyse une fois de plus les forces en présence.
Les Lions indomptables jouent demain un match que d’aucuns qualifient de match de la dernière chance. Vous avez vécu tous les préparatifs de ce match. Qu’en pensez vous ?
Ce n’est pas le match de la dernière chance. Il faut avoir l’habitude de bien voir les choses en face ; c’est simplement le dernier match. Quant à la dernière chance, c’était en Côte d’Ivoire, parce que à ce moment-là, les Lions indomptables n’étaient pas bien classés et c’était une dernière chance de pouvoir se rattraper. Alors que maintenant, ils sont en tête du groupe. Donc, ils ont leur destin en main. C’est tout simplement le dernier match qu’ils sont condamnés à gagner pour rester premiers. En supposant précisément qu’ils ont la gentillesse de penser que leurs adversaires ivoiriens gagneront aussi. Voilà la situation !
Vous avez fait des analyses très pertinentes en rapport avec le dernier match contre le Côte d’Ivoire. Dès lors, peut-on faire un lien entre le match contre la Côte d’Ivoire et celui qui se joue demain ?
Non ! De manière générale, même s’il s’agit toujours d’un match de football, un match ne ressemble pas à un autre, même quand on a l’obligation de le gagner. Il fallait absolument gagner celui de Côte d’Ivoire, et il faut absolument gagner celui face à l’Egypte, en supposant que les Ivoiriens gagneront au Soudan ! Mais, les deux matches ne sont pas les mêmes, dans la mesure où ils se jouent d’abord dans des environnements différents. Celui de ce samedi, c’est face à un autre adversaire qui joue de manière différente. Ensuite, il y a l’environnement global du match ; on n’est plus en terrain présumé hostile, mais à Yaoundé. Donc, l’analyse de l’environnement n’est pas le même et le comportement des uns et des autres n’est pas le même et je pense qu’il sera très important, notamment pour nos joueurs, de pouvoir appréhender à l’avance cette différence pour ne pas avoir des comportements qui soient anachroniques.
Lors du dernier entretien que vous avez accordé à La Nouvelle Expression avant le match contre la Côte d’Ivoire, vous aviez semblé dire que les Lions rugissent souvent fort à l’extérieur. Ce qui s’est vérifié. Aujourd’hui, ils jouent sur leurs propres installations. Qu’en sera-t-il alors ?
C’est une vue de l’esprit de dire que les Lions rugissent plus fort à l’étranger. En fait, si on demandait à un Camerounais de donner le nom du dernier vainqueur des Lions en terre camerounaise, ce serait un peu compliqué. Ça veut donc dire que les Lions gagnent aussi et surtout à domicile. Simplement, il se trouve que le ratio des victoires à l’extérieur par rapport à d’autres équipes est plus élevé. Ce qui rend cette équipe redoutable et en fait pratiquement la meilleure ou du moins l’une des meilleures en Afrique. Précisément, parce que là où tout le monde perd à l’extérieur, elle réussit à gagner plus souvent qu’elle ne perd. Et quand on regarde, même en ayant fait un parcours éliminatoire pas des plus brillants cette fois-ci, finalement les Lions ont simplement perdu en Egypte et ont fait deux matches nuls en Libye et au Soudan. Ce qui donne finalement, un rapport match joué à l’extérieur/match gagné très élevé. Sur cinq matches joués à l’extérieur, ils auront finalement gagné en Côte d’Ivoire, au Bénin, perdu en Egypte et fait deux matches nuls. Ce qui fait un rapport à la défaite qui est faible et donne cette fausse impression que les Lions rugissent plus à l’étranger. Par rapport aux autres équipes qui, elles, perdent plus souvent à l’étranger, les Lions ont une moyenne qui fait qu’ils sont redoutables. Mais, je n’ai pas d’inquiétude particulière sur le ratio par rapport aux matches joués à la maison. Finalement, tout en n’étant pas toujours brillants, ils ont gagné tous leurs matches à la maison. Donc, on ne peut pas leur demander mieux. Ils n’ont pas toujours bien joué. Mais, cela est une autre analyse.
Parlant de l’Egypte, on sait qu’au début de votre carrière, vous avez joué à Africa Sport d’Abidjan et, surtout, au club égyptien d’Arab Contractors. Donc, c’est un environnement que vous connaissez très bien. Quels liens y a-t-il entre l’équipe d’Egypte de cette époque-là et celle d’aujourd’hui ?
Je crois que le lien c’est le fait que les Egyptiens sont entraînés par un Egyptien, Hassan Shehata, qui était un très bon joueur et qui est très respecté dans son pays. Je crois que c’est un apport déterminant pour les Egyptiens de pouvoir compter sur quelqu’un qui connaît. Maintenant, je crois que les Egyptiens ont des qualités de base qui n’ont pas tellement changé : c’est une grande technique, une grande capacité à conserver le ballon et un grand sens tactique. Et ils ont évolué un petit peu sur le plan physique, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, eux aussi peuvent se défendre correctement sur le plan physique, sur le plan du volume du jeu. Mais, ce qui a changé aussi c’est que, par rapport au passé, l’équipe du Cameroun d’aujourd’hui a un sens tactique plus élevé qui comble suffisamment le handicap sur ce plan-là.
A mon avis, c’est un match qui va être suffisamment équilibré au départ avec cette différence de style qui pourrait nous valoir un match très intéressant. Mais, il y a quelque chose de particulier, c’est qu’on a, d’un côté, une équipe qui veut absolument la victoire et, de l’autre, une équipe qui ne la veut que pour son plaisir. Et cela peut finalement peser dans la balance. D’ailleurs, aussi paradoxal que cela puisse paraître, cela peut peser en pour ou en contre. C’est-à-dire que ça peut les libérer et leur permettre de jouer l’esprit plus tranquille ; ce qui pourrait crisper les Camerounais qui, dans tous les cas, dans les gradins, le seront déjà. Donc, je crois que la clé du match est quelque part dans cette zone-là.
Le match aller en Egypte n’a pas été facile pour le Cameroun. Pensez-vous que le Cameroun soit actuellement à la hauteur ?
Nous ne pouvons pas nous voiler la face ; à l’époque de ce match-là, les Egyptiens n’étaient pas premiers et les Camerounais derniers ! Donc, ce qui s’est passé dans ce match-là était propre à ce match et je crois que, précisément, ce qui s’est passé à ce match-là va peser sur le match de demain. C’est-à-dire que le classement n’était pas du tout en jeu lors du match aller, même si chacun voulait gagner pour bien se classer. Mais, aucune des équipes n’était première du groupe. Aujourd’hui, les Camerounais sont premiers et veulent le rester ; tandis que les Egyptiens ont dit adieu à la première place et jouent purement pour la gloire. Mais, on sait que la gloire chez les sportifs est quelque chose de très important. Donc, il ne faut absolument pas négliger les Egyptiens ni sous-estimer leur motivation dans cette partie. La clé du match est dans notre manière à nous de comprendre cette chose-là.
Les dirigeants du football camerounais ont choisi une formule nouvelle qui consiste à recourir à d’anciennes gloires. Pensez-vous que celles-ci ont apporté quelque chose dans la victoire en Côte d’Ivoire ?
Honnêtement, je suis mal placé pour commenter l’apport des anciennes gloires. Ce qui est certain est que cela a été amplement commenté par les Ivoiriens. Si, sur ce plan-là, cela a pu jouer, c’est tant mieux. Je crois que ce sont plutôt les joueurs qui peuvent dire si ça leur a fait quelque
|
chose. Mais, je suis plus partisan de l’option de se concentrer et de se consacrer à l’essentiel, c’est-à-dire que, finalement, ce sont les joueurs qui gagnent les matches. Et il ne me viendrait pas à l’idée d’amoindrir leur mérite en essayant de trouver des adjuvants à gauche et à droite. C’est bien pour ceux qui ont la responsabilité de gérer l’avant-match de penser à tout ; mais, en dernier ressort, ce sont les joueurs sur le terrain qui gagnent. Donc, c’est bien qu’on ait fait appel à quelques anciens. C’est bien que les joueurs logent à tel ou tel endroit, c’est bien qu’ils aient tels ou tels équipements. C’est bien qu’ils ne manquent pas d’eau, de nourriture, de soins. Mais, en dernier ressort, quand ils gagnent, je préfère les applaudir, eux, plutôt que de regarder à côté. Il y a des responsables politiques et administratifs qui agissent ; qui jouent leur rôle. Mais, j’ai cette tentation de féliciter simplement les responsables sportifs de l’exploit, c’est-à-dire les joueurs. Là, on repart pour un autre défi contre les Egyptiens ; tout le monde a mis la main à la pâte. Mais, le jour du match, je préfère consacrer tous mes bravos et toutes mes félicitations aux joueurs.
Revenant aux joueurs, il y a un aspect qui a fait couler beaucoup d’encre, en l’occurrence autour de Raymond Kalla Kongo et de Lauren Etamè Mayer. Pensez-vous que le retour du premier et l’absence du second aient pu influencer la performance des Lions ?
Il faut déjà savoir que ces deux garçons sont Camerounais. Donc, ils ont tout à fait le droit d’être sélectionnés en équipe nationale ; et leur sélection ne dépend que du jugement de l’entraîneur. Maintenant, quand il y en a un qui se désiste et décide, de son plein gré, de ne pas venir, ce qui est le cas d’Etamè Mayer, je respecte aussi sa décision. S’il nous le faut absolument, et d’ailleurs même s’il ne nous le faut pas absolument, je crois qu’il est du devoir des responsables d’essayer de comprendre ce qui peut motiver le refus d’un jeune homme en pleine possession de ses moyens de venir jouer à l’équipe nationale de son pays une semaine où tout le monde dans son propre club est parti rejoindre sa sélection. Je crois qu’il y a là un véritable problème qu’il faut étudier et je pense qu’à l’avenir, il est souhaitable qu’on se penche véritablement sur ce problème et qu’on ne le traite pas à la légère comme beaucoup l’ont fait jusqu’ici, en traitant le joueur de tout et de n’importe quoi. Je crois que ce n’est pas la bonne attitude. Maintenant, le football se joue avec les présents et on doit compter sur ceux qui sont là.
Justement, pour le match de demain, il y aura un absent de taille, Gérémi Njitap. Cela peut-il poser un problème à l’équipe du Cameroun ?
Comme je l’ai déjà dit, l’un des principes qui régissent la gestion d’une équipe de football c’est de ne pas s’appesantir sur les absents. Le jour où Njitap n’est pas là, il y a quelqu’un qui doit être prêt à prendre sa place ! D’ailleurs, vous savez que le football est un métier véritablement à part. Vous vivez avec des coéquipiers que les autres appellent même vos amis. Généralement, le travail de ce coéquipier vise à prendre votre place. Tout à fait sportivement. C’est pour dire qu’il y a forcément dans l’équipe quelqu’un qui n’attendait que cette opportunité, qui n’a rien fait pour qu’elle arrive, mais qui a tout fait pour que le jour où elle se présente, qu’il soit à la hauteur du défi.
Lors du dernier match, les Lions, même s’ils en ont marqué trois, on encaissé deux buts. Ce qui fait quand même un problème en défense…
C’est le problème du verre à moitié plein ou à moitié vide. On peut très bien s’appesantir sur les deux buts encaissés en Côte d’Ivoire. Mais, on en a marqué trois et la victoire en football s’acquiert dès lors qu’on a marqué un but de plus que l’adversaire. Donc, si nous l’avons réalisé en Côte d’Ivoire, je crois qu’il s’agit dans un premier temps de dire ”bravo” à l’équipe qui a réussi cet exploit de marquer trois buts à l’extérieur. Ce n’est vraiment pas courant. Pour ce qui est des deux buts encaissés, c’est vrai que l’on pourrait se dire que c’est inquiétant ; mais, ça l’est moins qu’on le croit ! D’abord parce que nous étions face à une équipe aux talents offensifs indéniables et à la performance offensive caractérisée. Ils ont marqué beaucoup de buts pendant toutes les éliminatoires et ils ont la meilleure attaque malgré la défaite face à nous. Donc, si, ce jour-là, nous en prenons deux, ce n’est pas étonnant ! Il y a peut-être quelque chose que je n’ai pas dit avant le match. Mais il était clair que si le Cameroun voulait gagner en Côte d’Ivoire, il lui fallait précisément marquer trois buts. Parce que c’était presque acquis que nous en encaisserions deux, tellement les Ivoiriens sont performants dans ce compartiment. En revanche, les Egyptiens sont une équipe qui a fait du yoyo sur ce plan-là. Donc, c’est vrai que ce serait dramatique qu’on prenne deux buts face aux Egyptiens. Mais, je crois que ça n’arrivera pas.
Vous avez révélé la dernière fois que le Cameroun avait une arme secrète en la personne d’Achille Webo. Et tout le monde l’a vu. Maintenant que les Egyptiens le savent déjà, le Cameroun a-t-il une autre arme secrète ?
Non ! Je pense qu’on ne peut pas remettre ça ; parce que je vous ai dit en commençant que les matches ne se ressemblaient pas. Mais, il n’en demeure pas moins qu’Achille Webo est un buteur, que Samuel Eto’o est un buteur, et que dans une équipe, tout le monde peut marquer. Ça dépend de la manière dont le match se déroule. Simplement, il faut savoir que le match contre les Egyptiens sera un match absolument délicat. Il faut se rappeler qu’au match aller, Bill Tchato avait inscrit un but alors qu’il est un défenseur. C’est juste la rage de vaincre et l’envie de ne pas sombrer, puisque nous étions alors menés trois buts à zéro. Donc, cette fois, je ne vais pas vous révéler le nom d’un buteur. J’avais été très précis la dernière fois parce que les conditions l’exigeaient. Et puis, je vais vous avouer quelque chose : la dernière fois, il était prévu que l’interview paraisse au moment où les joueurs et tous ceux qui étaient concernés par le match étaient en Côte d’Ivoire. J’ai pu dire une chose en sachant qu’elle ne pourrait revenir aux oreilles des concernés qu’après le match. Or, cette fois, les joueurs sont sur le sol camerounais, tout le monde est attentif à tout. Donc, s’il y a quelque chose de plus précis, je préfère le garder.
Quelle appréciation faites-vous de ce groupe de qualification dans lequel les Lions ont évolué ?
Je peux me permettre de prévenir qu’il y a beaucoup plus de nations en Afrique qui ont atteint un certain seuil de performance que de places disponibles. Donc, nous ne pourrons plus à l’avenir nous permettre ce que nous faisions il y a quelques années ou il y a encore quelques mois. Il va falloir, d’une manière définitive, que le football camerounais décolle enfin. Nous ne pouvons plus nous contenter de faire des efforts minimums pour des résultats maximums.
Est-ce que le fait de joindre un t-shirt à chaque billet vendu ne représente pas un atout supplémentaire pour les Lions ?
Bien sûr ! Cette fois, le public aura la certitude que lui aussi n’a pas été oublié. C’est une très bonne chose. Mais, encore une fois, ce public aura un rôle déterminant. Je ne peux pas m’adresser véritablement au public, parce qu’il est difficile en un jour de pouvoir éduquer 30 000 ou 40 000 personnes. Il est plus facile de parler à une vingtaine de joueurs.
Propos recueillis par David Nouwou et Julien Chongwang
|
|
|
|
|
|
|
| 
| Toutes les ( 0 ) Réactions
Coupe du monde 2006 : La Côte d’Ivoire a-t-elle été disqualifiée ? 
