|
Dominique Wansi, Dtn adjoint du football : “Les titulaires du Dess de l’Injs ne sont pas forcément de bons entraîneurs ” (10.08.2005)
Entraîneur de football de haut niveau, ce technicien chevronné a été à la tête de l’encadrement technique de plusieurs grands clubs camerounais, ainsi que des sélections nationales de toutes les catégories et à la direction technique nationale du sport-roi camerounais. En sa qualité d’enseignant ayant exercé pendant de longues années à l’Institut national de la jeunesse et des sports (Injs), il nous éclaire sur le métier d’entraîneur.
Quel est, selon-vous, le profil complet pour avoir le titre d’entraîneur au Cameroun ?
Aujourd’hui, n’est pas entraîneur qui le veut. Comme vous le savez, le métier d’entraîneur réclame de profondes connaissances, au plan de la discipline. Pour ce qui est du football par exemple, il existe plusieurs méthodes : la méthode de l’attaque par tout le monde, et puis le WM, la méthode classique en passant par le 4-2-4, 4-4-2, etc. Ces connaissances sont essentielles pour être entraîneur aujourd’hui. On ne sait pas si ça sera la même chose demain dans la connaissance et l’évolution du football et même de l’évolution des tendances, à tel point que l’on se rend compte aujourd’hui que le football est un jeu de vitesse, de puissance et de force. De nos jours, les choses sont pratiquement programmées de telle sorte que pour avoir un jeu de haut niveau, il faut passer par des structures classiques, des connaissances psychiques, de toutes les sciences en général. Quand on vous confie un groupe, vous ne pouvez pas le manipuler n’importe comment. Il faut connaître l’enfant (le groupe), connaître l’évolution psycho-biologique de l’enfant et appliquer l’entraînement, la préparation au regard de ces connaissances. Je vais résumer : la connaissance du football, la connaissance de l’enfant, la connaissance de la pédagogie, voilà les trois grandes articulations que doit maîtriser tout entraîneur. Ce schéma que je définis pour le football vaut aussi pour d’autres disciplines sportives. Enfin, il y a l’expérience.
Peut-on, parce qu’on est titulaire d’un diplôme de l’Injs, porter le titre d’entraîneur ?
On ne peut pas prétendre entraîner un club de haut niveau sans expérience, ni compétence, ni référence. Quand je dis expérience, je dis banc de touche. Quand on a été sur les bancs de touche pendant des années, on veut monter en première division, on veut être champion du Cameroun, on veut gagner la coupe du Cameroun, on veut gagner une coupe africaine, cette envie vous fait réussir. Quand on veut aller loin, il faut emmagasiner au moins 10 à 15 ans d’expérience. Moi, je me rappelle quand j’ai été nommé entraîneur national, c’est après 15ans. Etre entraîneur national est une consécration. Un entraîneur est celui qui souffre sur le banc de touche, perd un dimanche, va au stade un lundi, réfléchit sur les stratégies du lendemain, possède 4 matches sans primes et doit faire jouer ses poulains lorsque le président décide que vous devez jouer. On ne se lève pas un matin pour devenir entraîneur.
Des entraîneurs qui ne sont pas passés par des bancs de touche de clubs pour acquérir de l’expérience peuvent-ils facilement tenir les rênes des équipes nationales ?
Non ! Il ne faut pas avoir la prétention d’être entraîneur parce qu’on est diplômé de l’Injs. J’ai un diplôme d’enseignant en éducation physique et sportive (Eps). Mais, pour être entraîneur de football de haut niveau, j’ai roulé ma bosse. J’ai travaillé dur, tant dans les clubs que dans les différentes sélections nationales du pays. Le diplôme d’enseignant d’Eps est différent du diplôme d`entraîneur de football ou de toute autre discipline. Parce qu’aujourd’hui par exemple, les instances faîtières exigent les diplômes
|
fédéraux. Pour posséder un diplôme fédéral, il faut avoir encadré un groupe. Il est quand même vrai qu’étant enseignant d’Eps, on possède quand même les bases fondamentales pour pouvoir s’adapter et comprendre très vite. Tout ce que nous voulons aujourd’hui à la direction technique, c’est que l’enseignant d’Eps qui maîtrise la pédagogie, qui connaît l’évolution psycho-biologique de l’enfant et les fondements du football, doit pouvoir traduire tout cela en actes sur le terrain. Comment gérer un groupe ? Ce qui fait qu’un enseignant ne peut pas forcément être un entraîneur. La mode aujourd’hui veut que des anciens sportifs soient convertis en entraîneurs. Par exemple, pour ce qui est du football, de façon empirique, un ancien footballeur peut dire à un joueur que, quand j’étais devant les buts comme toi, à tel moment et à tel niveau, voilà ce que je faisais. Mais alors, à cela, il faut ajouter la méthode : les répétitions, les connaissances de l’enfant, l’acculturisme, la surcompensation, etc. Nous souhaitons que l’enseignant d’Eps et l’ancien joueur puissent enfin, main dans la main, travailler en synergie. Je crois que le sport camerounais irait mieux et tres loin,
Que pensez-vous du titre d’entraîneur de “ Haut niveau ” acquis après une formation au troisième cycle de l’Injs ?
Pour moi, c’est très simple, c’est une très bonne chose. Je dirai même que c’est une réussite, c’est l’ouverture. C’est le diplôme d’études supérieures spécialisées (Dess). Mais, ce diplôme est la théorie de l’entraînement. Nous parlons de la pratique de l’entraînement et c’est sur le terrain, en pratiquant, qu’on devient effectivement entraîneur de haut niveau. Toutefois, parmi ces titulaires du Dess, il y a des techniciens chevronnés, des entraîneurs qualifiés tels Marius Mouthé, Mvondo Etoga, Blaise Mayam… qui ont bien roulé leur bosse et fait leurs preuves. Ce sont des entraîneurs chevronnés aussi bien dans la pratique et l’expérience, qui ont roulé leurs bosses dans les stades aussi bien nationaux, qu’africains et mondiaux. Pour moi, être entraîneur de haut niveau c’est la consécration d’une carrière. Il y en a qui ont 25 ans, 30 ans de carrière. Moi, j’ai 30 ans de carrière, c’est ça être entraîneur. Vous voyez que les entraîneurs, actuellement, sont âgés de 45 à 65 ans. Je me rappelle, il y a quelques années, l’entraîneur qualifié Engelbert Mbarga qui, rentrant d’un stage en Angleterre, m’a dit qu’un instructeur lui a demandé quel âge il avait. A la réponse selon laquelle il avait 35ans, l’instructeur s’était étonné et l’avait félicité parce qu’à son jeune âge, il avait un grand bagage. Il faut emmagasiner les expériences, parce qu’il existe une grande différence entre celui qui a de l’expérience et celui qui démarre dans le métier.
Parlant justement d’Engelbert Mbarga, c’est un jeune entraîneur qui a fait ses preuves sur le terrain. Il a appris aux côtés des anciens dont moi. Il a de très belles connaissances et est, aujourd’hui, compté parmi les meilleurs du pays. Actuellement, on apprend toujours et l’on n’a pas fini d’apprendre dans la vie. Le Dess est bien, mais il faut l’acquis du terrain. Il ne faut pas occulter ce diplôme parce que si on l’occulte, on aura des problèmes. J’en connais qui, après ce diplôme, sont allés sur le terrain. Ils sont sur le terrain et travaillent. Ils sont en train d’acquérir l’expérience. Le diplôme, c’est bien beau. Mais, les résultats viennent quand on touche du doigt le métier. C’est bien d’avoir les diplômes mais, le terrain est la base fondamentale pour maîtriser, pour être expert, pour être maître d’une discipline sportive.
Entretien mené par
Par Honoré FOIMOUKOM
|
|
|
|
|
|