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Lauren Etame Mayer : J`aimerais rejouer une coupe du monde avec les Lions (05.06.2008)
Entretien avec l`ancien Gunner qui dit être sur le chemin du retour en sélection nationale.
Propos recueillis par Hiondi Nkam IV, à Portsmouth (Correspondance particulière)
Le public sportif vous a découvert comme professionnel en Espagne et joueur des Lions indomptables du Cameroun. Mais on sait très peu de choses de vous. Qui êtes-vous exactement ?
(Rires) Comme footballeur ou comme personne ?
Comme personne d`abord…
J`ai grandi en Espagne, à Séville. J`y ai passé toute ma vie. Mes parents sont originaires d`une ancienne colonie espagnole et pour des raisons politiques, ils ont dû s`installer en Espagne. Je n`ai découvert l`Afrique que quand j`ai été convoqué avec les Lions Indomptables pour la Coupe du Monde de 1998 en France.
De quel pays sont originaires vos parents ?
Guinée Equatoriale.
Et vous êtes né où ?
Au Cameroun, à Kribi, c`est jute à la frontière avec la Guinée équatoriale. Je suis né à Kribi et par la suite, nous sommes partis en Espagne.
Comment avez vous rejoint l`équipe nationale du Cameroun ?
J`ai joué à Séville et par la suite, je suis allé à Valence, dans le club de Levante. C`est quand je me trouvais à Levante que Thomas Nkono m`a contacté pour me demander de jouer avec le Cameroun. On a beaucoup discuté, la décision n`était pas facile à prendre car j`avais aussi la possibilité de jouer avec l`Espagne. Mais j`ai opté pour le Cameroun parce que je pouvais jouer la Coupe du monde dans l`immédiat.
Est-ce la seule raison qui vous poussé à choisir le Cameroun ?
(Rires) Pour être honnête, ce fut la principale raison. Je me suis dit que j`avais là une chance unique de jouer une Coupe du Monde, c`était une très bonne chose pour ma carrière.
Vous n`avez donc aucun lien extra footballistique avec le Cameroun ?
Si, j`ai de la famille là-bas, à Kribi, j`ai aussi de la famille au Gabon et au Nigeria. J`ai une grande famille.
A quel moment avez réalisé que vous feriez carrière comme footballeur ?
Très tôt, dès l`âge de 8-9 ans, je jouais dans la rue avec mes amis. J`étais un peu dispersé entre l`école et le football. Mais déjà, à cet âge, je rêvais de devenir footballeur professionnel.
Vos parents vous ont-ils encouragé a jouer au football ?
Pas vraiment, mon père était un politicien. Il voulait nous voir réussir a l`école, fréquenter l`Université. Il était très strict là-dessus. Mais moi, j`étais jeune, j`étais un peu têtu. Je voulais réussir à ma façon, me faire de l`argent, m`acheter des choses à moi, j`étais intenable. (Rires)
Qu`est-ce qui a poussé vos parents à l`exil ?
Mon père était un politicien qui fut ministre dans le gouvernement de Marcias Nguema. Il y a eu ce coup d`Etat qui a porté Obiang Nguema au pouvoir. Ce dernier a voulu éliminer mon père et tous les autres collaborateurs de l`ancien président. Mon père fut emprisonné. La vie de mes parents était en danger : ils ont dû s`enfuir d`abord pour le Cameroun, et du Cameroun ils sont partis en Espagne. Par le passé, mon père avait étudié en Espagne où il a eu ses diplômes de droit.
Avez vous des frères, des sœurs ?
J`en ai beaucoup, une vingtaine.
Revenons au football pour évoquer votre carrière en Espagne. Vous y avez vécu de bons moments…
Effectivement. Je suis passé par l`Académie de Séville qui a la particularité de sortir de très bons joueurs. J`ai quitté Séville à 18 ans, parce que le club m`offrait de jouer en équipe première, sans me proposer un vrai contrat professionnel. Dans le même temps, Levante m`offrait un contrat de 5 ans, j`ai décidé d`y aller. Apres Levante, j`ai rejoint Majorque.
Et puis Arsenal vous a fait cette offre…
Une grosse offre difficile à refuser. Majorque est une très bonne équipe avec laquelle j`ai gagné une Coupe d`Espagne et disputé une finale des Vainqueurs de Coupe contre la Lazio. Mais Arsenal, c`est l`un des plus grands clubs au monde. J`ai pris moins d`une minute pour me décider.
Vous étiez impérial au milieu de terrain à vos débuts chez les Gunners. Arsène Wenger, le manager a pourtant décidé de vous utiliser sur le côté de la défense dès votre arrivée à Arsenal. Votre jeu correspond-il à ce poste ?
C`est vrai que dans mes débuts en Espagne, j`ai surtout évolué au milieu de terrain. C`est à ce poste que je suis connu en Espagne, à Levante et à Séville. J`ai eu des discussions avec Wenger. Il m`a demandé de jouer à ce poste parce qu`il voulait des joueurs qui pouvaient remonter le ballon de l`arrière. Mais je pense que le plus important est de gagner, de voir si vous y tirer quelque chose. Au début, c`était très difficile. Pourtant à Arsenal, j`ai gagné 2 titres de champion, 2 FA Cup [Coupe d’Angleterre], 4 Community Shield et j`ai joué pendant 3 ans et demi au plus haut niveau. L`essentiel, c`est de pouvoir être fier de son bilan après avoir joué 15 ou 18 ans comme professionnel.
Reste que pour beaucoup d`observateurs, cette position est incompatible avec votre jeu…
Comme je vous l`ai dit, je préfère me sacrifier pour avoir du succès. L`important pour moi, c`est de me dire à la fin de ma carrière : j`ai ceci, j`ai cela. L`important c`est ce que vous avez à la fin de votre carrière, comment vous allez vivre après le football.
Comment était votre relation avec Arsène Wenger ?
Très bonne. C`est quelqu`un à qui vous pouvez tout dire. Vous pouvez échanger avec lui sur des sujets professionnels comme sur des sujets personnels.
Il vous a un peu poussé hors de l`équipe pour ouvrir la voie aux jeunes…
C`est vrai qu`au final je n`étais pas très content de la manière dont ça s`est passé. J`étais un peu déçu. Pas parce que je suis parti d`Arsenal, là n`était pas le problème. Ce qui m`a le plus choqué, c`est la manière dont ça s`est passé. Comme je vous l`ai dit, j`ai gagné plein de titres avec Arsenal…
Quand vous dites “la manière”, vous pensez a quoi précisément ?
La manière… C`est personnel. Je ne veux pas trop m`attarder là-dessus car Arsenal c`est le passé. Hier, j`étais à Arsenal. Aujourd`hui, je suis à Portsmouth. Demain je serai ailleurs. L`important c`est ce qu`on gagne et ce qu`on a à la fin de sa carrière.
Vous peinez à vous faire une place de titulaire à Portsmouth : êtes-vous inquiet ?
Pas du tout. Si j`avais 18, 20 ans, j`aurais pu être inquiet. Mais j`ai traversé tant d`épreuves dans ma vie que je ne suis pas vraiment inquiet. Parce que je sais ce que je vaux et tout dépend de moi, de ma concentration. Je suis conscient que je ne me suis pas encore pleinement concentré sur ma carrière ici a Portsmouth, donc tout dépend de moi, et de moi tout seul.
Avec le Cameroun, vous avez gagné deux coupes d`Afrique des Nations et une médaille d`or aux Jeux Olympiques. Quel a été la clef de ces succès ?
La clef c`est que nous étions plus qu`une équipe, nous étions une famille. En dehors de 4 ou 5 joueurs, c`était le même groupe qui avait joué la coupe du monde en France. Nous formions une famille, on voulait tous gagner, réussir. C`est là que nous avons puisé notre force.
En dépit de tous ces succès, vous avez décidé de quitter les Lions indomptables après la Coupe du Monde 2002…
D`abord, je tiens à dire ceci : quitter les Lions aura été une
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décision difficile et douloureuse pour moi. Ce pays m`a donné la chance d`être connu dans le monde entier. Nous avons fait plein de bonnes choses, nous avons très bien joué, nous avons gagné plusieurs titres, nous avons participé à des coupes du Monde. Le seul problème, c`est que j`ai observé la manière dont les gens se comportaient, la manière dont les choses se passaient à l`équipe nationale et je n`étais pas content. Et un jour, je me suis décidé à ne plus jouer avec la sélection. C`était quelque chose de récurrent: chaque fois que j`allais en sélection, les mêmes choses se répétaient. Je suis souvent très strict. Je sais me donner souvent à l`extrême, mais…
Les Camerounais veulent en savoir plus, ils veulent des détails…
(Rires) C`est ce que je dis. Ce ne fut pas une décision subite : il y eu beaucoup de choses qui ce sont succédées. Et je me suis dit, je n`y vais plus.
Donnez-nous un exemple de choses qui vous ont énervé ?
Ce sont des choses personnelles que je ne veux dire à personne. Je préfère les garder pour moi. Elles m`ont poussé à ne plus y aller à l`époque.
Les Camerounais vous aiment, ils aiment votre jeu. Ils veulent savoir la vérité. C`est pour ça que nous sommes là aujourd`hui. Certaines rumeurs ont fait état de ce que vous auriez remis une somme d`argent pour des travaux de réfection du Stade de Yaoundé, une somme d`argent qui aurait été détournée ?
(Rires) Quoi ? Pouvez vous répéter ça ?
Certaines rumeurs ont fait état de ce que vous auriez remis une somme d`argent…
(Rires) Qui ? Moi ?
Oui, vous. Vous auriez remis de l`argent pour des travaux de réfection du Stade de Yaoundé. Cet argent n`aurait jamais servi à ces travaux…
C`est faux. C`est absolument faux. La seule fois où j`ai donné de l`argent, c`était lors des Jeux olympiques où j`ai remis mes primes de participations aux joueurs locaux qui faisaient partie du groupe. Je n`ai jamais donné de l`argent pour construire quoi que ce soit. Ma décision avait trait à des raisons personnelles.
Certaines sources affirment que vous êtes mécontent parce que Thomas Nkono a encaissé vos primes ?
Ce n`est pas vrai, ce sont des mensonges. La seule vérité c`est que j`ai décidé personnellement de ne plus y aller. Ce fut une décision difficile. Chaque fois que j`allais en équipe nationale….
Etait-ce la façon dont l`équipe était gérée qui vous posait problème ?
C`est très personnel, je ne veux pas en parler.
Etaient-ce des problèmes qui concernaient toute l`équipe ou alors vous, personnellement ?
Certains problèmes concernaient l`équipe; d`autres me concernaient personnellement et j`ai décidé de ne plus y aller. C`est comme ça que je suis.
Pensez vous avoir beaucoup donné au Cameroun sans en recevoir en retour ?
Non, je ne parle pas de ça. J`ai tout gagné avec le Cameroun : 2 coupes d`Afrique, une médaille d`or aux Jeux olympiques, j`ai joué deux coupes du monde; je ne peux pas demander plus. Ma décision de quitter la sélection nationale est personnelle.
Geremi Njitap dit avoir essayé de vous convaincre à revenir. L`avez-vous rencontré?
Oui. Je lui ai parlé plusieurs fois. Hier encore, j`étais au téléphone avec lui.
Il semble mécontent…
Je sais qu`il est mécontent
Que lui avez-vous dit ?
A l`époque, je lui ai dit que je n`étais pas prêt à y aller.
Et Patrick Mboma ?
Lui aussi est venu me voir et je lui ai dit la même chose.
Là, il y a quand même la Coupe d`Afrique des Nations et la coupe du Monde 2010 qui se profilent…
Je le sais. Pour le moment, je ne suis pas prêt. Peut-être plus tard. Parce que là, il est normal que les joueurs qui ont qualifié l`équipe pour la Coupe d`Afrique des Nations y participent. Ce n`est pas parce qu`on m`a appelé que je dois y aller maintenant. Ce n`est pas le bon moment.
Il y a donc de l`espoir !
Oui. Car, je crois que jouer la Coupe du monde en Afrique, pour un africain, c`est quelque chose de fantastique. Mais pour ce faire, je crois que je dois d`abord jouer les qualifications, qualifier l`équipe et participer à cette coupe du Monde. Ce serait une fin de carrière fantastique pour moi.
Avez-vous rencontré Otto Pfister ?
Je devais le voir hier, je le verrai certainement aujourd`hui.
Est-ce ce que vous allez lui dire, que vous revenez pour la coupe du Monde ?
Si je dois revenir, ce serait le bon moment.
Quand êtes-vous allé au Cameroun pour la dernière fois ?
La dernière fois c`était après la Coupe du Monde 2002.
Vous n`étiez donc pas au mariage de Rigobert Song ?
Non, je n`y suis pas allé. J`y vais prochainement parce que nous ouvrons une clinique à Bayangam. L`œuvre est d`une ONG dans laquelle je suis impliqué avec Patty Bule, une chanteuse nigériane. Nous ouvrons des cliniques dans des pays africains comme le Nigeria, le Ghana et le Cameroun. Nous voulons offrir ces facilites à des populations rurales qui n`ont pas accès aux soins de santé. Je suis impliqué dans ce projet et j`espère me rendre au Cameroun dès le mois prochain.
Etes vous marié ?
Oui, je suis marié et j`ai une petite fille de 3ans ½. Je suis marié à une Espagnole et nous sommes ensemble depuis 16 ans.
Que faites vous quand vous ne jouez pas au football ?
Je reste avec ma famille, avec ma fille. Nous allons souvent au cinéma, et au théâtre.
On ne vous voit pas beaucoup au sein de la communauté camerounaise ici en Angleterre.
Oui, je ne vais pas beaucoup vers les gens, quels qu`ils soient. J`ai quelques amis.
Que représente votre famille pour vous ?
Ma famille c`est tout pour moi. Si vous êtes un être humain avec une vie stable, la famille, c`est la chose la plus importante.
Que comptez vous faire après le football ?
Je détiens 50% des part d`une société en Espagne où je suis impliqué avec mon agent. Dans le futur, je compte ouvrir des centres de réhabilitation sportive. J`en ai déjà un à Séville et je veux continuer dans ce genre de choses. Parce que je suis doué pour le business (Rires).
Vous ne souhaitez pas rester dans le football?
Non, pas dans un rôle d`entraîneur ou ce genre de choses. Je veux ouvrir des centres de réhabilitation. En tant que sportif, je crois que c`est une bonne chose pour aider les gens à recouvrer la santé. ça va aussi me permettre de rester occupé à la fin de ma carrière.
On ne vous a jamais vu au palais de l`Unité à Yaoundé lorsque le président félicite les Lions après leurs victoires : pourquoi ?
C`est vrai je n`y suis jamais allé. Vous savez, ma famille me manque souvent. Quand je reste longtemps éloigné de ma famille, j`ai envie de la retrouver. C`est différent pour mes coéquipiers de l`équipe nationale qui ont leur famille au Cameroun. Ils restent à la maison en famille. Moi, je n`ai personne là-bas et donc, je m`empresse toujours de rentrer retrouver les miens, je disparais toujours. (Rires)
Les encadreurs ont-ils souvent essayé de vous retenir ?
Oui, certaines fois. Pas seulement moi, mais tous les joueurs puisqu`ils détiennent tous les passeports.
Et comment avez-vous fait pour vous échapper?
J`ai pu m`enfuir avec mon passeport espagnol. C`était facile.
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