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LETTRE OUVERTE A BIDOUNG MKPATT, MINISTRE DES SPORTS (17.02.2004)
Lettre postée sur camlions.com par Mr Marcel-Duclos EFOUDEBE
Monsieur le Ministre,
Comme tous les Camerounais- et, je suppose, tous les amoureux du ballon rond et toutes les personnes sensibles- j’ai été profondément attristé par le décès du lion indomptable Marc-Vivien Foé. Comme tous les Camerounais, je comprends et partage la détresse qui peut être celle de sa famille et de ses amis. Comme tous les Camerounais, je me demande comment le drame est arrivé. Les images qui nous parvenaient à travers le petit écran étaient terribles, difficiles à supporter. J’ai vu passer des minutes interminables (certains ont parlé d’un temps allant de 4 à 6 minutes) passer avant l’intervention des médecins. J’ai vu des gens transporter Foé hors de l’aire de jeu, de façon très approximative. Et, comme tout le monde, j’ai été tétanisé par la terrible nouvelle. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser, comme tout le monde, que tout cela était injuste, et qu’il fallait que justice soit faite.
Comment tout cela a-t-il pu se produire? Selon Roger Milla, Foé avait demandé à être remplacé peut avant de s’écrouler. Pourquoi le remplacement ne s’est-il pas fait? Il parait, selon certains, que Foé n’était pas en pleine forme, ayant souffert de troubles gastriques et/ou intestinaux. Pourquoi l’avoir aligné parmi les onze dans cet état? Pourquoi ces minutes interminables avant l’intervention du corps médical, intervention dont beaucoup s’accordent pour dire qu’elle a été maladroite et hésitante? Comment, dans un pays à la pointe, médicalement parlant, comme la France, dans un pays où le football est roi, comment expliquer l’absence de défibrillateur dans un stade? Pourquoi ne pas avoir conduit immédiatement le lion indomptable dans un hôpital spécialisé, et donc, plus apte à réagir? Autant de questions- et bien d’autres- que je ne suis pas le seul à poser et à se poser. On a vu, pour beaucoup moins que ça, des hélicoptères entrer sur l’aire de jeu!
La décision du Procureur de la République de Lyon, Xavier Richaud, d’ouvrir une enquête, est certainement un début de réponse à toutes les questions mentionnées plus haut. On s’attendrait à ce que tous les amis de Foé saluent cette initiative. On s’attendrait à ce que tout le monde la soutienne, la défende, l’encourage;
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que toutes les autorités y collaborent. On s’attendrait à ce que le ministre camerounais des sports soit au premier rang de ceux qui veulent que toute la lumière soit faite sur cette fin, que tout le monde juge prématurée.
Ma surprise est donc grande, monsieur le ministre, quand je lis vos déclarations dans les colonnes du journal Le Monde. Vous dites: «Le mal est survenu, c’est un accident, on le sait. Tout le reste n’est que détails. L’enquête ne nous ramènera pas Marc-Vivien Foé…»(1). Comment savoir, à l’état actuel des choses, s’il s’agit d’un accident? Qui peut exclure une bévue, un manque de coordination, une négligence, pour ne citer que les plus courantes des hypothèses qui circulent dans les médias? Si l’on tient à employer le terme «détail», force est de reconnaître que ce sont des détails plutôt importants! Vouloir connaître les conditions exactes de la mort de Foé, comme Geremi, est-ce un détail? Etre inquiet de ne pas savoir de quoi est mort Foé, comme Dessailly, est-ce un détail? D’accord, l’enquête ne nous ramènera pas Foé. Mais, si elle est bien menée, elle fera toute la lumière là-dessus. Est-ce un détail? Non, au contraire! Tout cela relève de la plus haute importance. Après les pleurs, l’indignation, l’émotion, il est normal que l’on passe à l’investigation, l’analyse, le débat! Pour que ce qui n’a pas marché puisse être réparé. Pour que les éventuels fautes soient sanctionnées. Pour que notre lion indomptable soit le dernier à mourir de la sorte. Vouloir refermer le «dossier» Foé avant même de l’avoir ouvert, c’est créer un vide que la rumeur, la calomnie, le ragot, la peur, la méfiance, etc… se chargeront immédiatement de colmater, avec les ravages qu’on imagine! Sans compter la bouffée d’oxygène que cela donnerait à la bien mal inspirée maxime senghorienne (« l’émotion est nègre, la raison est Hélène »). Ce serait alors la seconde mort de Marco! Je ne voudrais pas vous compter parmi ceux qui n’auront rien fait pour l’empêcher. La première mort de Marco a été terrible. De grâce, faisons en sorte qu’il n`y en ait pas une seconde. Pour la mémoire de notre glorieux lion, pour son amour et son attachement aux couleurs nationales, au maillot tricolore, au Cameroun!
Marcel-Duclos EFOUDEBE
(1) Le Monde, 01.07.2003-page 22
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