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| ACTUALITE |
09.07.2003
Marc Vivien Foe :L’immortel
Thierry NDONG et
Richard TOUNA
La mort du footballeur camerounais, Marc-Vivien Foé, jeudi 26 juin 2003, au stade de Gerland à Lyon en France, a porté le jeune homme, 28 ans, au panthéon…
Si la Coupe des confédérations organisée par la Fifa reste contestée par certains pays, elle constitue, malgré tout, un grand moment du football mondial. Et parce que Foé est mort en mondovision, sa disparition tragique s’est imposée à la planète comme un Evénement. Au sens historique du mot. Cette image de Foé, couché sur le rond central du stade de Gerland, les yeux révulsés, ne disparaîtra jamais des archives de l’histoire du football mondial. L’origine de sa mort, sera à jamais un cas-école pour la médecine sportive. Les premiers résultats de l’autopsie n’ont pas permis de déterminer la cause (crise cardiaque ou rupture d’anévrisme). “L’autopsie n’a révélé aucun élément déterminant sur l’origine de la mort”.
En attendant les résultats des examens complémentaires d’anatomie en cours, Foé a déjà engagé la communauté scientifique dans une réflexion de fond sur la résistance physique des footballeurs. Le football, un sport qui charrie de plus en plus des enjeux financiers défiant la morale et exposant ses pratiquants à la surchauffe physique. L’autre débat de fond que nous lègue Foé c’est celui relatif à la sublimation du football comme modèle d’ascension sociale. Pour de milliers de familles, la mort de Foé, c’est un mythe qui s’effondre. Le mythe du football comme voie royale pour accéder à l’argent et à la notoriété. Si ce mythe s’effondre, ce n’est pas la faute à Foé. C’est la faute au système socio-politique et financier qui encadre le football.
Un système qui fabrique des héros pour si peu qu’un but est marqué. Marc-Vivien Foé, footballeur viril et talentueux, a voulu exploiter cet environnement pour bâtir le monde avec le cœur. Comme un météore, il a vécu. Il s’en est allé, le cœur plein de révolte contre l’ordre improductif qui gouverne le sport au Cameroun. Marc Vivien Foé était un révolté. A travers son complexe multisports (inachevé) de Biteng à Yaoundé, ce footballeur voulait bien démontrer au gouvernement du Cameroun, la voie à suivre en matière d’infrastructures sportives. Son message était simple. Ce qui dépasse le gouvernement, lui, Foé, pouvait le faire. Seul. Comme il a électrifié les villages de Nkolafamba, et construit des adductions d’eau. Des réalisations qui laissent éclater l’humanisme d’un bonhomme qui était mûr pour le ciel. Le maire de Lyon a promis de baptiser un stade en construction dans cette ville au nom de Foé. A jamais, Foé vivra, dans la mémoire de la France, dans la mémoire du monde.
Révolution
Marco s’en est allé, le cœur plein de révolte contre la cassure sociale sans cesse grandissante dans notre pays. Après avoir mis sa famille à l’abri des besoins primaires, Marco s’était engagé dans la lutte contre la misère et les souffrances. Ses visites à la maison d’arrêt de Kondengui ne se comptent plus. L’assistance aux vieillards abandonnés du Centre Bétani Viacam dans la périphérie de Yaoundé étaient connue de tous. Il était également l’un des parrains du Centre des handicapés d’Etoug-Ebé. Ambassadeur honoraire de l’Oms, il participe activement à la campagne d’éradication de la polio dans la sous-région Afrique centrale en début 2000. L’on ne saurait être exhaustif sur les financements des projets qu’il octroie aux personnes physiques et morales. “Marco” était humaniste. Son souci : un Cameroun où chaque citoyen s’épanouit en se prenant lui-même en charge.
Ne montrait-il pas lui-même l’exemple ? “Dans ma carrière, je n’ai rencontré aucun joueur qui parlait autant d’avenir. C’est celui qui pensait le plus à l’après-football”, témoigne Claude Leroy, ci-devant entraîneur sélectionneur des Lions Indomptables. Toutefois, précise Pape Dioup, Marc-Vivien Foé savait prendre son temps. L’agent du footballeur défunt explique : “il était en pleine réflexion quant à son avenir immédiat. entre une saison de plus à Manchester City, un retour à Lyon, voire un transfert dans un autre club de Premier League”.
C’est que Marco était un Homme d’honneur. Une valeur supplantée aujourd’hui par la fourberie, le clientélisme, le rejet de l’éthique et de la patrie. L’honneur de la patrie n’avait pas de prix. Voici ses propos à la mi-temps du match fatidique, rapportés par son ami d’enfance et coéquipier de l’équipe nationale, Rigobert Song Bahanag : “les gamins, même s’il faut mourir sur le terrain, nous devons gagner cette demi-finale”. Le milieu défensif des Lions Indomptables savait se donner les moyens de sa politique. “Pendant les périodes d’accalmie, en Coupe d’Afrique et en coupe du monde, on ne le voyait jamais dans les couloirs de l’hôtel. Il restait toujours dans sa chambre, à travailler sa concentration”, se souvient Patrice Bergues, le directeur sportif du Racing Club de Lens, club de ses débuts comme professionnel. Et pourtant, ses atouts athlétiques et son talent, qualités très recherchées en football, lui auraient dispensé de telles restrictions. Que non, le footballeur évitait la facilité. Son credo : le travail et toujours le travail. Son rôle - ingrat - de récupérateur infatigable symbolise assez cette option.
Homme de cœur
Le fils aîné de Martin Foé Amougou était par ailleurs un révolté contre l’hypocrisie et la dureté de cœur. Sur le terrain, il incarnait le fair-play, si cher à la Fifa. “On ne pourrait rencontrer dans le football quelqu’un de plus gentil que lui”, affirme Harry Redknapp, l’entraîneur de West Ham. Le capitaine des Lions Indomptables n’en dit pas moins : “Marc-Vivien avait beaucoup de cœur”. Idriss Kameni confirme le souci permanent de Marc-Vivien Foé d’aider ses camarades moins expérimentés. Le portier des Lions Indomptables à la Coupe des confédérations ajoute : “il était un grand frère [qui] sans cesse me disait… si tu as un problème dans ta tête, n’hésite pas à faire appel à moi”.
Outre son intégrité morale reconnue, Marco était un modèle d’abnégation. En 1998, il se fracture le péroné de la jambe gauche à quelques jours de la Coupe du monde française. Il ne prend donc pas part à cette compétition. Un coup dur pour sa carrière, qu’il surmonte bien qu’abandonné à lui-même par les dirigeants du football camerounais. Son retour sur les stades s’opère patiemment et méthodiquement. Mais, les conséquences de cette blessure laissent des marques indélébiles. Son contrat en cours de finalisation avec Manchester United ne sera jamais signé. Alors que le club mancunien était partant avant ce coup du sort.
Marco, déçu, dépose ses valises à West Ham, une équipe moyenne de la Premier League anglaise. Le défi n’est pas des moindres, à savoir gagner une place de titulaire dans un championnat très disputé et d’un niveau plus relevé. Le pari sera tenu. L’ancien sociétaire du Canon s’en tire à très bons comptes. Il devient même la meilleure icône de la réussite camerounaise en Angleterre. Ils inspire d’autres Camerounais tels que Gérémi Sorel Njitap Fotso, Désiré Job, etc.
Marco était enfin révolté contre la perte des valeurs traditionnelles. “La famille était pour lui quelque chose de sacrée”, explique Patrice Bergues. Elle était pour lui le meilleur refuge ; mieux le meilleur cadre de ressourcement et de renouvellement. Il existait entre son papa et lui une complicité sans pareil. Ils partageaient pratiquement le même projet de vie. Il aimait la vie en famille. Il a pris ses responsabilités en fondant la sienne. Il laisse trois enfants et une épouse éplorée à jamais.
Il était traditionaliste. Il était “très attaché à ses racines, et le montrait par son habillement, sa ferveur et ses croyances”, argumente le directeur sportif du Racing Club de Lens. Mais précise Pape Diouf, “il n’était pas palabreur, pas le genre à discuter des heures sous le baobab… il n’avait pas de mots inutiles”. C’était bien là Marc Vivien Foé. Un révolté, un révolutionnaire, qui a inauguré une autre façon de combattre les injustices et les inégalités sociales. Ses armes n’ont jamais été des canons et aux fusils d’assaut… mais la promotion des valeurs humaines : le culte de l’effort, la foi en Dieu, l’amour du prochain, l’esprit de partage, …
Le grain de blé tombé en terre a accepté de mourir. La moisson de l’espoir des Hommes devrait à jamais fleurir. La balle est dans le camp des héritiers que nous sommes.
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