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Le football reste un jeu (07.10.2005)
Demain, samedi — comme jour de grand match de football, c’est assez inhabituel pour qu’on le signale — va se jouer, ici à Yaoundé, une rencontre sportive qui va opposer les Lions Indomptables du Cameroun aux Pharaons d’Egypte. Pas besoin de le rappeler encore à grands traits : c’est un match déterminant, moins pour les Egyptiens, qui joueront pour se faire plaisir, que pour les Camerounais dont la qualification à la phase finale du mondial allemand de 2006 en dépend étroitement. Certes, la qualification camerounaise pourrait tout aussi bien passer par une voie détournée qui bifurquerait du côté de Khartoum. Cependant, la voie royale pour la qualification des Lions Indomptables — la cinquième qui établirait un record africain — est celle qui emprunte le couloir glorieux de la victoire. Une victoire vivement souhaitée qui comblerait de joie le peuple camerounais et confirmerait, en même temps, tout l’immense bien que des millions d’amoureux du ballon rond, à travers le monde, ont toujours pensé du football camerounais.
Compte tenu de la taille considérable de l’enjeu ci-dessus évoqué, on comprend facilement pourquoi cette rencontre de demain suscite au sein des Camerounais de tout bord un si grand engouement. Malgré un tarif qui, sans être prohibitif, est relativement peu courant, les billets s’arrachent comme des petits pains. Les paris — plus sur le nombre de buts que les joueurs camerounais vont inscrire que sur l’issue du match — se prennent comme sur un champ de course des chevaux. Quel que soit le lieu public, c’est ce match qui est, pour des discussions parfois enflammées, le sujet-phare. En courant à reculons dans le dédale de leurs souvenirs, même des octogénaires disent ne pas parvenir à retrouver un événement
comparable qui aura autant mobilisé les Camerounais. En tout cas, pas besoin d’avoir une boule de cristal pour deviner que le stade Omnisports sera déjà plein de longues heures à l’avance. Dommage qu’on n’ait pas songé à installer des écrans géants aux abords du stade et même à certains carrefours et lieux publics importants !
Toutefois, même si le match de demain devait qualifier les Lions Indomptables pour toutes les coupes du monde qui vont se jouer au cours de ce 21e siècle, il est et il restera uniquement un match de football, le football lui-même étant et restant à jamais uniquement un jeu. Nous saluons l’engouement collectif des Camerounais ; nous partagerons entièrement leur joie et leur fierté en cas de qualification. Mais, nous serions mortellement tristes et profondément déçus si au cas où la victoire n’aurait pas choisi leur camp, leur bel engouement devenait débordements et leur frustration violences. On n’a pas le droit, quelles que soient les circonstances, de commettre délibérément des actes déviants au nom du sport, dont la pratique enseigne justement la maîtrise de soi, la tolérance, le respect de l’autre et la fraternité.
Le football est un jeu magnifique. Parce qu’il leur a procuré souvent de belles émotions, les Camerounais ont fait de lui leur sport-roi. Presque un dieu. Un dieu qui aime se draper dans sa noble incertitude et qui s’amuse parfois à priver de victoires ceux là -mêmes qui le vénèrent pourtant le mieux. C’est avec cet esprit-là et en toute dignité que les Camerounais doivent considérer et gérer la rencontre de demain, quelle qu’en soit l’issue. Servir un dieu, c’est obéir à ses volontés, même si celles-ci sont cruelles et brisent les plus beaux rêves.
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