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Evocation: Abel Mbengue :Chaque finale a son histoire (24.12.2004)
Propos recueillis par B.M.B
L`ancien chroniqueur sportif se remémore ses émotions de Coupe du Cameroun.
"Il faut éviter de comparer les finales de coupe du Cameroun de football. Du moins, moi je ne l`ai jamais fait. Ainsi que ceux de ma génération. Car c`est un peu comme s`il m`était demandé de comparer les défilés du 20 mai 2004 et de 1990. Chaque défilé à son contexte, ses hommes. J`ai toujours pensé que les finales de coupe sont à l`image des titres de champion : champion du monde, champion olympique ; et qu`elles prolongent une dynastie. Avec cette différence (la mienne) qu`être champion du monde, c`est comme assurer un intérim, alors que champion olympique c`est entrer dans l`éternité. Mais il n`en demeure pas moins qu`on est champion. A une certaine époque, l`Union de Douala représentait l`un des plus grands partis du contexte social de notre pays. C`était la même chose avec la Dynamo de Douala qui représentait quelque chose d`extraordinaire sur le plan de la filiation? Donc vouloir comparer les finales au niveau de la ferveur populaire, de la qualité, des protagonistes ? Je ne suis jamais tombé dans ce piège. La ferveur n`était pas la même lorsque Union ou Dynamo jouaient. Ou même lorsque Tonnerre, Canon ou Diamant, toutes des équipes de Yaoundé, jouaient.
A côté de cela, il y avait cette amicale adversité de vocabulaire entre moi (reporter sportif à la radio), Paul Célestin Ndembiyembé (à l`époque chef de la rubrique sportive de Cameroon Tribune) et puis Jean-Pierre Essama Essomba du même organe de presse. C`était à qui trouverait la meilleure formule, le meilleur mot, la meilleure expression. Tout cela ajoutait à la saveur de la finale du jour. Il y avait une certaine méfiance, cette suspicion, cette haine "sportive" des responsables de clubs qui ne durait que le temps d`une finale, en attendant d`autres opportunités. Et puis, il y avait surtout cette attention régalienne très soutenue dans le suivi des commentaires et des écrits du chroniqueur de la presse écrite ou du reporter
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radio. Tout cela, avant et après le match. Le président Ahmadou Ahidjo était très attentif à ce qui se disait. C`est comme si les commentateurs sportifs étaient les gardiens de l`équilibre national de cette époque. J`ai été témoin de plusieurs conversations. J`ai été interpellé plusieurs fois par le président de la République sur tel ou tel autre aspect. C`est pour dire qu`à l`occasion d`une finale de la Coupe du Cameroun de football, nous étions les gardiens de l`équilibre du tissu national, les complices du pouvoir pour toujours faire triompher cet équilibre.
Au niveau de la méfiance, de la suspicion des responsables sportifs, mes meilleurs "amis" étaient le très regretté Omgba Zing, Paul Morand Mbous, Ferdinand Koungou Edima, Dénis Ekani. Plus tard, lorsque ce dernier est Secrétaire d`Etat, il va me faire sortir des griffes d`un membre du gouvernement qui m`avait fait garder à vue et était prêt à me faire déférer au parquet. Et pourtant, je ne m`entretenais pas sur le plan sportif avec lui lorsque le Tonnerre jouait. Sur le plan de l`attention régalienne soutenue, je me souviens avoir censuré le président de la République à Garoua, lors de la finale Dynamo-Union [de 1981 : 2-0, Ndlr]. J`avais coupé une phrase de son intervention en direct et l’ai même ocultée au journal du soir . Cela avait fait un tollé général mais je suis resté débout. Rien ne m`est arrivé.
Donc, c`était une époque où il fallait avoir des nerfs d`acier pour tenir. C`était tout cela une finale de Coupe du Cameroun. On ne la banalise pas. Il faut la prendre très au sérieux, dans tous ses aspects : sociologique, sportif, environnemental, politique... J`espère que c`est la même chose aujourd`hui. C`est moins délicat qu`hier, lorsqu`il existait un grand parti national. Aujourd`hui, la prolifération des partis politiques a dilué l`affluence au niveau du football camerounais : tout le monde est dans les réunions des partis. Personne n`a plus le temps. Pourtant, à l`époque, le stade était un dépotoir des rancoeurs de la semaine".
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